SOURCE : Cass. com., 28 juin 2016, n°14-21.810, FS-P+B.
I –. Les faits de l’espèce
Une société a cautionné un prêt bancaire. Le débiteur principal s’étant révélé défaillant, la caution a payé la banque, qui lui a délivré une quittance subrogative. Un jugement devenu irrévocable a condamné le débiteur à payer à la caution une certaine somme d’argent.
Le débiteur a été mis par la suite en redressement puis liquidation judiciaires. La créance de la caution a été déclarée, puis admise au passif. Après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, la caution a poursuivi le débiteur principal. Ce dernier, condamné par les juges du fond à rembourser la caution, a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel.
II –. L’arrêt de rejet
Selon le débiteur principal, le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l’exercice individuel de leurs actions contre lui. Et, si la caution ou le coobligé qui a payé aux lieu et place du débiteur peut poursuivre celui-ci après le jugement de clôture, elle ne recouvre pas le droit de reprendre des poursuites contre le débiteur lorsqu’elle a payé et obtenu, avant l’ouverture de la procédure collective, un titre exécutoire à son encontre, de sorte qu’en statuant en sens contraire, la cour d’appel aurait violé l’article L.643-11 du Code de commerce dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l’article R.643-20 du même code[2].
Ce n’est pas à ce qu’a estimé la Haute juridiction, rappelant que le texte ne distingue pas selon que ce paiement est antérieur ou postérieur à l’ouverture de la procédure collective, ni suivant la nature subrogatoire ou personnelle du recours exercé par la caution.
III –. La portée de la décision
Lorsque le débiteur principal d’une dette garantie par un cautionnement est mis en liquidation judiciaire et que cette procédure collective est clôturée pour insuffisance d’actif, la caution qui a réglé la dette peut poursuivre le débiteur en remboursement dans tous les cas.
S’agissant de la possession d’un titre exécutoire par la caution, comme c’était le cas en l’espèce, l’arrêt commenté n’en tient pas compte : la caution subrogée n’a pas besoin du titre exécutoire spécial de l’article R.643-20 du Code de commerce, mais simplement de faire constater par le président du tribunal de commerce qu’elle a payé à la place du débiteur.
La Cour de cassation, rend ici une décision dans l’esprit du II de l’article L. 643-11 du Code de commerce, qui tend tout simplement à éviter que le débiteur principal soit mieux traité que son garant.
Plusieurs textes du droit des entreprises en difficulté distinguent les personnes physiques et les personnes morales coobligées, pour réserver certains avantages exclusivement aux premières. Par exemple, pendant l’exécution d’un plan, les créances non déclarées sont inopposables aux seules personnes physiques coobligées[3], l’arrêt du cours des intérêts ne profite qu’aux personnes physiques coobligées[4], et le jugement d’ouverture ne suspend qu’à leur égard les actions des créanciers[5].
Mais l’article L. 643-11, II du Code de commerce ne fait pas la différence. Le résultat est que, les cautions personnes morales étant le plus souvent les filiales des établissements de crédit prêteurs, ceux-ci sont susceptibles d’échapper, en pratique, à l’interdiction des paiements et de la reprise des poursuites, en faisant garantir leurs créances par leurs filiales spécialisées dans le cautionnement.
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Art. L.643-11, II, C.com : « […] II.- Toutefois, la caution ou le coobligé qui a payé au lieu et place du débiteur peut poursuivre celui-ci. […] »
[2] Art. L.643-20 C.com. : « Le créancier dont la créance a été admise et qui recouvre son droit de poursuite individuelle conformément à l’article L. 643-11 peut obtenir, par ordonnance du président du tribunal rendue sur requête, le titre prévu au V du même article. La caution ou le coobligé mentionné au II du même article peut, dans les mêmes conditions, obtenir un titre exécutoire sur justification du paiement effectué. La procédure de l’injonction de payer prévue aux articles 1405 et suivants du code de procédure civile n’est pas applicable.
Lorsque la créance a été admise lors de la procédure, le président du tribunal qui a ouvert celle-ci est compétent. Lorsque la créance n’a pas été vérifiée, la compétence du tribunal est déterminée selon les règles du droit commun.
L’ordonnance vise l’admission définitive du créancier et le jugement de clôture pour insuffisance d’actif. Elle contient l’injonction de payer et est revêtue par le greffier de la formule exécutoire.
Dans le cas prévu aux I, II et III de l’article L. 643-11, l’ordonnance est rendue, le débiteur entendu ou appelé. »
[3]Art. L.622-26, al.2, C. com.
[4]Art. L.622-28, al.1er C. com.
[5]Art. L.622-28, al.2. C. com.