L’absence, sur le mandat de l’agent immobilier, de la mention du lieu de délivrance de la carte professionnelle exigée n’affecte pas, à elle seule, la validité du mandat lorsque le mandataire justifie avoir été titulaire, à la date de celui-ci, d’une carte professionnelle régulièrement délivrée.
Cour de cassation, 11 septembre 2025, Pourvoi n° 23-17.579
I –
En l’espèce, la mandataire, chargée de la vente d’un hôtel, a informé les mandantes de la possibilité d’acquérir à la fois cet hôtel et un chalet situé sur une parcelle voisine.
Un premier mandat de recherche a été signé le 12 janvier 2016, portant sur l’hôtel et le chalet. Un second mandat a été signé le 5 mai 2016, uniquement pour le chalet.
Le 3 juillet 2017, le chalet a été vendu à un tiers.
Le 26 octobre 2018, les mandantes ont acquis, d’une part, la société propriétaire de l’hôtel, et d’autre part, la parcelle sur laquelle se trouvait le chalet, via une société civile dont elles étaient les représentantes et cautions.
La mandataire, estimant avoir permis, par son entremise et ses conseils, ces acquisitions, a assigné les mandantes en paiement des commissions prévues aux mandats de 2016.
II –
La cour d’appel a rejeté la demande d’annulation des mandats formée par les mandantes et les a condamnées au paiement des commissions prévues dans les mandats conclus en 2016.
Elle a considéré que l’absence de mention du lieu de délivrance de la carte professionnelle de la mandataire sur les mandats n’était pas de nature à entraîner leur nullité, au motif qu’aucun grief concret n’était invoqué par les mandantes, et que, de toute manière, le lieu de délivrance pouvait être déterminé à partir des règles applicables à la délivrance des cartes professionnelles.
Les mandantes ont formé un pourvoi en cassation et reprochent à la cour d’appel d’avoir violé les textes réglementant l’activité des agents immobiliers, en particulier l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970, et l’article 92 du décret du 20 juillet 1972.
Selon elles, ces textes imposent que le numéro et le lieu de délivrance de la carte professionnelle figurent sur tous les documents professionnels, y compris les mandats.
En leur absence, le mandat est nul.
III –
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par les mandantes.
Elle rappelle, d’une part, qu’en application des articles 3 et 6, I, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 92 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, l’agent immobilier a l’obligation d’être titulaire d’une carte professionnelle dont les numéro et lieu de délivrance doivent figurer sur le mandat écrit que ce dernier est tenu de formaliser pour une opération donnée.
La Cour de cassation précise d’autre part que ces dispositions poursuivent l’objectif de réguler la profession d’agent immobilier, d’assurer la compétence et la moralité des agents immobiliers et de protéger le mandant (1re Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-14.112, 19-14.025, publié).
Dès lors, la Haute juridiction considère, au regard de ces objectifs, que l’absence de mention sur le mandat du lieu de délivrance de la carte professionnelle n’affecte pas, à elle seule, la validité du mandat lorsque le mandataire justifie avoir été titulaire, à la date de celui-ci, d’une carte professionnelle régulièrement délivrée.
En l’espèce, la Cour valide l’appréciation de la cour d’appel, laquelle avait constaté que le mandataire justifiait être titulaire, à la date de signature des mandats, d’une carte professionnelle en cours de validité, et avait retenu que l’absence de mention du lieu de délivrance de cette carte sur les mandats litigieux était sans incidence sur leur validité.
IV –
Pour conclure, si les textes imposent que le mandat mentionne le lieu de délivrance de la carte professionnelle, la Cour de cassation rappelle que cette exigence ne vise pas une fin purement formelle, mais poursuit des objectifs précis : assurer la compétence, la moralité du professionnel, et protéger le mandant.
Dès lors, lorsque le mandataire justifie qu’il était effectivement titulaire, à la date du mandat, d’une carte professionnelle en cours de validité et régulièrement délivrée, l’objectif de protection est atteint.
L’omission de la mention du lieu de délivrance n’est donc pas, en elle-même, de nature à affecter la validité du mandat.
L’arrêt éclaire ainsi l’articulation entre les exigences formelles du mandat et les conditions substantielles d’exercice de l’activité, telles que prévues à l’article 3 de la loi du 2 janvier 1970.
Pour mémoire, la délivrance de la carte professionnelle est notamment subordonnée à la souscription d’une assurance de responsabilité civile professionnelle, garantissant la réparation des préjudices pouvant être causés dans le cadre de l’activité. L’article 49 du décret du 20 juillet 1972 impose d’ailleurs que le professionnel puisse justifier à tout moment de l’existence de cette couverture.
En validant un mandat entaché d’une irrégularité formelle, mais respectueux des exigences substantielles, la Cour conforte ainsi une lecture pragmatique du dispositif légal, fondée sur la régularité effective de l’exercice professionnel, et non sur une application littérale des mentions requises.
Cependant, il convient de souligner que la Cour de cassation exige le respect strict d’autres mentions obligatoires, notamment le nom et la qualité de la personne habilitée à agir pour le titulaire de la carte professionnelle. L’omission de ces informations entraîne la nullité du mandat, la finalité de cette exigence étant de garantir au mandant une identification claire de l’interlocuteur et de ses pouvoirs.
La Cour opère ainsi une appréciation au cas par cas, en tenant compte de la finalité de chaque mention obligatoire, dans le but de protéger au mieux les intérêts du mandant.