Le Conseil d’Etat rappelle que l’existence de faits de harcèlement n’affecte pas en elle-même la validité de la rupture conventionnelle signée par un salarié protégé. En l’absence de vice de consentement, le harcèlement moral subi par un salarié protégé ne suffit pas à faire obstacle à ce que l’inspection du travail autorise la rupture.
La rupture conventionnelle est un mode de rupture du contrat de travail d’un commun accord entre le salariée et l’employeur créée par la loi du 25 juin 2008[1]. Cet accord doit répondre aux exigences traditionnelles applicables au droit des contrats à savoir notamment le respect du consentement des parties.
Insérées aux articles L. 1237-11 et suivants du Code du travail, les dispositions relatives à la rupture conventionnelle du contrat de travail décrivent les conditions de validités d’une telle convention. A titre d’illustration, le Code du travail dispose que la rupture conventionnelle ne peut être imposée l’une ou l’autre des parties et consentie librement par les parties.
La rupture conventionnelle du contrat de travail d’un salarié protégé est soumise à une procédure particulière puisqu’elle doit, à la différence d’une rupture conventionnelle avec un autre salarié, faire l’objet d’un contrôle puis d’une autorisation de la part de l’inspection du travail.
Lors de l’instruction, l’inspecteur du travail s’assure notamment du respect des garanties de la procédure ou encore que la rupture n’a été imposée à aucune des parties et l’absence de toute pression de la part de l’employeur qui se rattacherait notamment à l’exercice du mandat du salarié. En réalité, l’inspecteur du travail contrôle la liberté du consentement des parties.
A ce titre, la question s’était posée de savoir si l’autorisation de l’inspection du travail devait être nécessairement refusée lorsque le salarié a fait l’objet d’un harcèlement ou d’une discrimination. Le Conseil d’État estime que l’existence d’un différend entre les parties, tout comme des faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale n’affectent pas, par eux-mêmes, la validité de la convention, et que l’inspecteur du travail ne doit refuser la rupture conventionnelle qu’à condition que le harcèlement et la discrimination subis aient altéré le consentement du salarié protégé[2]. Cette solution avait d’ores et déjà été dégagée par le Chambre sociale de la cour de cassation[3].
Dans l’arrêt du 16 mai 2025, l’inspectrice du travail à autorisé la rupture conventionnelle du contrat de travail d’une salariée membre titulaire du CSE. Finalement, la salariée a contesté la légalité de cette décision au motif que son consentement avait été vicié par le harcèlement moral qu’elle avait subi. Le tribunal administratif a déclaré la décision de l’inspectrice du travail entaché d’illégalité. L’employeur a alors contesté le jugement devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat rappelle notamment dans sa solution que la salariée avait été à l’initiative de la rupture conventionnelle et l’employeur n’avait aucunement fait pression pour que la salariée accepte une telle rupture de son contrat de travail. Par conséquent, elle énonce que : « dans ces conditions, en retenant que, pour autoriser la rupture conventionnelle en cause, l’inspectrice du travail avait illégalement retenu qu’aucune circonstance n’avait été de nature à vicier le consentement de l’intéressée, le tribunal administratif a inexactement qualifié les faits de l’espèce qui lui étaient soumis ».
Cette solution n’est pas inédite et est l’occasion de rappeler l’existence de faits de harcèlement n’affecte pas en elle-même la validité de la rupture conventionnelle et ne fait pas obstacle à ce que l’inspection du travail autorise la rupture.
Sources : CE, 16 mai 2025, n° 493143
[1] LOI n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail
[2] CE, 13 avr. 2023, n° 45/9213
[3] Cass. soc., 23 janv. 2019, n° 17-21.550