Le calcul de la créance de restitution des trop-perçus de loyers pour donner suite au réputé non écrit d’une clause d’indexation

Thomas Chinaglia

Lorsqu’une clause d’indexation est finalement réputée non écrite, le preneur est en droit de demander le paiement des sommes indûment versées au cours des cinq dernières années précédant sa demande en justice. Dans la mesure où la clause réputée non écrite n’est censée jamais n’avoir existé, la créance de restitution de l’indu doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait été dû sans l’application de ladite clause d’indexation.

Civ. 3ème, 23 janvier 2025, n° 23-18.643

I –

En l’espèce, le bailleur délivre des commandements de payer et finit par faire signifier un congé sans offre de renouvellement. A cette occasion, le preneur demande que la clause d’indexation prévue au bail soit réputée non écrite.

Pour rappel, une clause d’indexation au sein d’un bail commercial est la clause qui prévoit la variation du montant du loyer, en fonction d’un indice expressément mentionné. En fonction de l’activité du preneur et de la destination des lieux loués, l’indice peut être soit l’Indice des Loyers Commerciaux (ILC) ou l’Indice des Loyers des Activités Tertiaires (ILAT).

La clause d’indexation doit également prévoir une périodicité d’application, il est d’usage que les parties prévoient une révision annuelle. Toutefois, rien n’interdit aux parties de prévoir une périodicité plus longue. Il est dans ce cas nécessaire de ne pas confondre la révision conventionnelle et la révision à l’issue des périodes triennales (cf article L.145-38 du Code de commerce).

Bien que l’arrêt ne précise pas la raison de l’irrégularité de cette clause d’indexation, la jurisprudence sanctionne la portée d’une telle clause en la réputant non écrite par exemple lorsqu’il est prévu que les loyers ne peuvent varier qu’à la hausse ou encore lorsqu’elle crée une distorsion entre la période de variation de l’indice et la période écoulée entre l’application de l’ancien et du nouveau loyer.

Au sein de cet arrêt, la Cour de cassation traite de deux sujets liés à la demande du réputé non écrit d’une clause d’indexation. 

II –

  • La question de la prescription de la demande

La Cour commence par rappeler que la demande du preneur visant à voir réputer non écrite une clause d’indexation (comme toute autre clause d’ailleurs) n’est pas soumise à prescription. Ainsi, le preneur peut contester la portée d’une telle clause durant toute la période d’exécution du bail, quelle que soit son ancienneté.

Il est logique pour le preneur de se voir restituer les loyers qu’il a payés lorsque la clause d’indexation sur laquelle le montant des loyers était fixé est finalement réputée non écrite. La Cour rappelle que bien que l’action tendant à voir juger que la clause est réputée non écrite n’est pas soumise à aucun délai de prescription, ce n’est pas le cas de l’action en répétition de l’indu qui elle, est soumise à la prescription de droit commun, soit cinq ans.

La Cour affirme à ce titre : « Le locataire à bail commercial qui a acquitté un loyer indexé en vertu d’une clause d’indexation ultérieurement réputée non écrite peut agir en paiement des sommes indûment versées dans les cinq ans précédant sa demande en justice ».

Le preneur doit donc être vigilant et faire le compte des sommes trop versées sur les cinq dernières années, ce qui conduit à nous interroger sur les bases de calcul.

  • La base du calcul du trop versé

Le trop versé de loyer dont le remboursement peut être demandé par le locataire correspond à la différence entre, d’une part, ce qu’il a effectivement payé et, d’autre part, ce qui était juridiquement dû.

La Cour affirme sur ce point que : « dès lors qu’une stipulation réputée non écrite est censée n’avoir jamais existé, la créance de restitution de l’indu doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait été dû à défaut d’application d’une telle stipulation ».

Ainsi, le montant du loyer dû et le montant du loyer réglé (en application de la clause illicite) doivent être comparés. La différence constatée constitue le trop-perçu que le preneur est en droit de récupérer sur les cinq dernières années.

La Cour rappelle également qu’en présence d’une stipulation illicite, il faut vérifier si la stipulation condamnable est divisible ou indivisible par rapport à la clause d’indexation elle-même, la sanction du réputé non écrit pouvant selon les cas s’appliquer soit à la clause d’indexation en totalité, soit partiellement à la seule stipulation irrégulière.

Dans une hypothèse où la clause d’indexation ne serait que partiellement réputée non écrite, c’est le loyer résultant de l’application de la seule partie de la clause demeurée valide qui doit servir de base au calcul. Au contraire, si la clause d’indexation est réputée non écrite en totalité, c’est le loyer initial du bail, non indexé, qui doit être pris en compte.

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