L’indépendance du remboursement du compte courant d’associé et du rachat de parts

Antoine DUMONT

Dans un arrêt du 12 février 2025, la Cour de cassation énonce qu’en l’absence de stipulation contraire (par exemple conventionnelle ou statutaire), l’absence de remboursement de compte courant d’associé ne peut permettre de fonder une demande de résolution de convention de rachat de parts.

Source : Cass. com., 12 février 2025, n°23-17.483

I – Faits et procédure

Une SELARL de pharmacie, détenue à 51 % par un associé personne physique et à 49 % par une société de participations financières de profession libérale, une SPFPL (ci-après « Minoritaire »), cède son fonds de commerce de pharmacie à une SELAS en cours de formation.

L’assemblée générale extraordinaire de la SELARL procède, le même jour de la cession et sous conditions suspensives, à une réduction de son capital social par voie de rachat et annulation des parts détenues par le Minoritaire. L’associé devenu unique de la SELARL décide de sa transformation en SPFPL.

Environ deux mois plus tard, les conditions suspensives sont réalisées et constatées par l’assemblée générale extraordinaire de la SELARL qui réitère sa décision de procéder à la réduction de capital et à sa transformation.

Malgré plusieurs mises en demeure, le Minoritaire ne perçoit ni le montant de la cession des parts ni le remboursement de son compte courant d’associé. Il décide donc d’assigner la SELARL devenue elle-même SPFPL, il demande notamment l’annulation de la réduction de capital de la SELARL et le paiement des montants correspondants au rachat de sa participation et au remboursement du compte courant d’associé, logiquement, ces deux demandes ne pourraient se cumuler et s’annihilent l’une l’autre : si la décision de réduction de capital est annulée, le rachat des parts du Minoritaire le serait également.

Le 18 avril 2023, la Cour d’appel de Versailles rejette les demandes du Minoritaire. Ce dernier se pourvoit en cassation.

La Cour de cassation rejette à son tour son pourvoi : l’associé dont les parts sont rachetées peut demander le remboursement de son compte courant d’associé mais le non-remboursement de son compte courant ne peut fonder une demande de résolution de la convention de rachat de ses parts.

II – Remboursement de compte courant d’associé et résolution de convention de rachat de parts…

Pour le Minoritaire, le rachat des parts sociales par une société et leur annulation concomitante entraînerait l’obligation par la société de rembourser le compte courant de l’associé, le défaut de ce remboursement entraînerait la résolution de la délibération ayant décidé le rachat et l’annulation desdites parts.

La Cour de cassation ne suit absolument pas ce raisonnement.

Elle rappelle tout d’abord les conditions suspensives du rachat puis de l’annulation des parts sociales du Minoritaire, desquelles ne faisait pas partie le remboursement du compte courant d’associé mais simplement le paiement de la somme correspondant à la valorisation de la participation du Minoritaire.

Elle rappelle ensuite la possibilité pour tout associé d’exiger le remboursement de son compte courant à tout moment, les motifs de la demande étant sans importance et valide la possibilité pour le Minoritaire de solliciter celui-ci.

Cependant, le compte courant d’associé constitue un prêt consenti à durée indéterminée et son remboursement est indépendant de l’obligation de payer le prix des parts objet du rachat puis de l’annulation. Le Minoritaire ne peut donc se fonder sur l’absence de remboursement du compte courant d’associé pour demander la résolution de la convention de rachat de ses parts. La Haute Cour confirme donc l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles.

La solution aurait pu être différent en présence de stipulation contraire.

III – …en l’absence de stipulation contraire

En effet, il est tout à fait possible de lier le paiement de la somme correspondant à la valorisation des parts rachetées par la société et l’obligation de remboursement de compte courant d’associé par une stipulation particulière.

Cette stipulation peut par exemple être présente au sein des statuts ou d’une convention, on aurait pu imaginer que la convention de rachat des parts stipule l’obligation concomitante de remboursement du compte courant d’associé.

En l’espèce, le demandeur n’apporte pas la preuve d’une quelconque stipulation obligeant le remboursement du compte courant d’associé lors du rachat de ses parts.

Le demandeur peut ester en justice pour obtenir le remboursement de son compte courant mais ne peut certainement pas conditionner, a posteriori, la validité du rachat de ses parts au remboursement de celui-ci.

Sur le remboursement du compte courant, doctrine et jurisprudence s’accordent unanimement pour affirmer qu’en l’absence de convention statutaire ou particulière, le remboursement d’un compte courant d’associé peut être exigé à tout moment[1][2]. Ce principe d’un remboursement du compte courant à tout moment est à ce point fondamental, que la jurisprudence a consacré le fait que ce remboursement puisse être exigé peu importe la situation financière de l’entreprise[3].


[1] Cass. com. 15-7-1982 : Rev. sociétés 1983 p. 75 note J. -P. Sortais

[2] Cass. com. 24-6-1997 n° 95-20.056

[3] Cass. com. 8-12-2009 n° 08-16.418 : RJDA 3/10 n° 246

Partager cet article