Selon la Cour de Cassation, a un intérêt direct au contrat , le directeur général d’une société anonyme qui signe un bail entre la société, dont il est le mandataire social et sa belle-sœur. Retour à la présomption d’interposition
Source :Cass. 3ème Civ. 30 novembre 2022 n° 21-20.910 F- D
I – LES TEXTES[1]
Les conventions réglementées dans les sociétés anonymes concernent tout dirigeant, sans forcément que celui-ci soit mandataire social, puisqu’il peut s’agir, outre des mandataires sociaux que sont le directeur général des administrateurs, le directeur général délégué, auquel s’ajoute tout actionnaire qui dispose de plus de 10 % des droits de vote[2] et la violation du formalisme attachée à l’approbation des conventions réglementées posée à l’article L.225-42 du Code de Commerce qui instaure la nullité de la convention litigieuse[3].
II –
La convention examinée par la Cour de Cassation avait été conclue entre la société, le frère et la belle-sœur du directeur général, sans que ladite convention (en l’espèce au bail) soit passée par le formalisme de l’article L.225-38 du Code de Commerce précité.
Il était bien entendu évident que le directeur général n’avait pas un intérêt direct dans l’opération, de sorte qu’il fallait se référer à l’alinéa 2 du texte qui vise les conventions dans lesquelles les personnes visées dans le cadre de l’approbation préalable des conventions réglementées, sont indirectement intéressées.
Et la question qui se posait au Magistrat du second degré, comme de la Cour de Cassation, était de qualifier les liens familiaux entre le mandataire social et le cosignataire de la convention réglementée.
La Jurisprudence publiée est assez rare pour pouvoir, pratiquement, être citée intégralement. Ainsi les lecteurs Chronos identifieront un Arrêt du 23 octobre 1990[4] qui estime que les Juridictions du fond n’ont pas à rechercher si le signataire de la convention réglementée est, par ailleurs, mandataire social ou en responsabilité dans l’entreprise cosignataire, ou un Arrêt, encore plus ancien du 21 juillet 1964[5] où l’annulation est prononcée au motif que l’immeuble a été vendu par la société à son épouse. La Cour de Cassation, dans son Arrêt publié, approuve la Cour d’Appel lorsqu’elle qualifie d’intérêt direct « quel que soit leur régime matrimonial, les époux habitent ensemble. L’immeuble dont s’agit est que le mari, administrateur de la société, est donc indirectement bénéficiaire de la convention litigieuse et qu’en contractant avec l’épouse de son président directeur général, la société a, en fait, contracté par personne interposée avec ce dernier »
Le droit prétorien intègre donc nécessairement dans le périmètre des conventions réglementées, toutes les conventions passées avec les sociétés représentées par les personnes visées à l’article L.225-38 du Code de Commerce et leur environnement familial proche.
III –
Il ne faut toutefois pas oublier que l’annulation de la convention réglementée, passée en violation des dispositions précitées, n’a pas un caractère automatique de nullité. Elle s’inscrit, préalablement dans la constatation du caractère dommageable de la convention non approuvée. Ce caractère dommageable peut, pour reprendre le cas examiné par la Juridiction, être un bail stipulé à des conventions particulièrement déséquilibrées notamment sur la valeur locative au détriment de la société, de la vente d’un immeuble à un prix inférieur au marché, ou même d’un écart ou d’une disproportion significative entre les droits de la société et les obligations auxquelles elle consent, etc.
[1] L.225-38 et L.225-42 du Code de Commerce
[2] Article L.225-38 du Code de Commerce : « Toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général, l’un de ses directeurs généraux délégués, l’un de ses administrateurs, l’un de ses actionnaires disposant d’une fraction des droits de vote supérieure à 10 % ou, s’il s’agit d’une société actionnaire, la société la contrôlant au sens de l’article L. 233-3, doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration.
Il en est de même des conventions auxquelles une des personnes visées à l’alinéa précédent est indirectement intéressée.
Sont également soumises à autorisation préalable les conventions intervenant entre la société et une entreprise, si le directeur général, l’un des directeurs généraux délégués ou l’un des administrateurs de la société est propriétaire, associé indéfiniment responsable, gérant, administrateur, membre du conseil de surveillance ou, de façon générale, dirigeant de cette entreprise.
L’autorisation préalable du conseil d’administration est motivée en justifiant de l’intérêt de la convention pour la société, notamment en précisant les conditions financières qui y sont attachées ».
[3] Article L.225-42 du Code de Commerce : « Sans préjudice de la responsabilité de l’intéressé, les conventions visées à l’article L. 225-38 et conclues sans autorisation préalable du conseil d’administration peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société.
L’action en nullité se prescrit par trois ans, à compter de la date de la convention. Toutefois, si la convention a été dissimulée, le point de départ du délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée.
La nullité peut être couverte par un vote de l’assemblée générale intervenant sur rapport spécial des commissaires aux comptes ou, s’il n’en a pas été désigné, du président du conseil d’administration exposant les circonstances en raison desquelles la procédure d’autorisation n’a pas été suivie. Les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 225-40 sont applicables.
Conformément au II de l’article 20 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, les présentes dispositions s’appliquent à compter du premier exercice clos postérieurement à la publication du décret mentionné aux articles L. 225-218, L. 226-6 et L. 823-2-2 du code de commerce dans leur rédaction résultant du présent article, et au plus tard le 1er septembre 2019.
[4] Cass. Com. 23 octobre 1990 n° 89-14.950 publié au bulletin
[5] Cass. Com. 21 juillet 1964, bull. 1964 III n° 394