Le salarié protégé dont le licenciement est nul pour violation de son statut protecteur, peut prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés quand bien même a -t-il fait valoir ultérieurement ses droits à retraite, rendant sa réintégration initialement demandée impossible.
Source : Cour de Cassation 21 septembre 2022 n°21 -13.552
En l’espèce un directeur des opérations candidat aux élections des délégués du personnel, est licencié pour insuffisance professionnelle et faute grave….. sans que l’employeur n’ait sollicité préalablement d’autorisation administrative de licenciement.
Le salarié demande devant le Conseil des Prud’hommes que sa réintégration soit ordonnée, et quasiment trois ans après le début de la procédure fait valoir ses droits à retraite.
Il est fait droit sans surprise à ses demandes, à quelques exceptions :
S’il obtient notamment une indemnité pour violation de son statut protecteur, les sommes sollicitées au titre de la violation de son statut protecteur sont limitées et il n’obtient pas la condamnation de l’employeur au paiement des heures supplémentaires.
Il se pourvoit en cassation ;
S’agissant des heures supplémentaires il soutient avoir produit des relevés quotidiens de pointeuse des agendas, des notes de frais, des tableaux récapitulatifs des attestations et donc des éléments suffisamment précis :
Sur ce point la Cour de Cassation relève sans surprise que la Cour d’Appel a fait peser la charge de la preuve sur le salarié alors que celui-ci présentait des éléments suffisamment précis.
Tel n’est cependant pas le sujet de la notice explicative sur l’arrêt rendu qui est liée au second moyen lequel concerne la demande de congés payés du salarié assis sur l’indemnité pour violation du statut protecteur.
En l’occurrence, le salarié avait droit à la rémunération qu’il aurait perçue depuis sa date d’éviction jusqu’à son départ en retraite ; qu’en est-il de son indemnité de congés payés ?
Le salarié soutient que la Cour d’Appel en lui refusant ce droit à congés payés a violé les articles L 2411-6 et L 3141-1 du Code du Travail.
La décision de la Cour d’Appel est censurée
C’est au visa des articles L 2411-1 ,L2411-2 et L 2411-6 du Code du Travail et l’article 7 de la directive 2003/88/CE du Parlement Européen et du Conseil du 4 novembre 2003 que la Cour de Cassation rend sa décision.
La Cour de Cassation adopte un raisonnement reposant sur sa jurisprudence et sur celle de la CJUE notamment dans son arrêt en date du 25 juin 2020 ( Varhoven kasatsionen sad na Republika Bulgaria aff C 762/18 et Iccrea Banca aff C 37-19)
La Haute Cour rappelle que selon sa jurisprudence , la sanction du licenciement pour violation du statut protecteur d’un salarié protégé qui ne demande pas sa réintégration est la rémunération que le salarié aurait perçue jusque la fin de la période de protection en cours et non la réparation du préjudice réellement subi pendant cette période.
Cette indemnité a été jugée forfaitaire et le salarié ne peut prétendre au paiement des congés payés y afférents.
Elle cite ensuite l’arrêt du 25 juin 2020 rendu par la CJUE lequel a dit pour droit que « l’article 7 de la directive précitée doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une jurisprudence nationale en vertu de laquelle un travailleur illégalement licencié puis réintégré dans son emploi n’a pas droit à des congés annuels payés pour la période comprise entre son licenciement et la date de sa réintégration au motif que pendant cette période il n’a pas accompli de travail effectif pour l’employeur ».
La Haute Cour expose la jurisprudence de la CJUE selon laquelle compte tenu de la double finalité des congés payés (repos et loisirs), cette finalité est basée sur la prémisse que le travailleur a effectivement travaillé au cours de la période de référence ; les droits doivent être déterminées en fonction des périodes de travail effectif.
La Cour de Cassation rappelle que
- selon sa jurisprudence constante, pour percevoir sa retraite, un salarié doit rompre tout lien professionnel avec son employeur.
- La Cour de Justice de l’Union Européenne a interprétant le § 2 de l’article 7 de la directive précitée a dit que la circonstance qu’un travailleur mette fin à sa relation de travail n’a aucune incidence sur son droit de percevoir le cas échéant une indemnité financière pour les droits au congé annuel qu’il n’a pu épuiser avant la fin de sa relation de travail[1].
La Cour de Cassation décide en conséquence que le salarié protégé dont le licenciement est nul, qui a fait valoir ensuite ses droits à la retraite rendant impossible sa réintégration dans l’entreprise, peut obtenir une indemnité compensatrice de congés payés afférente.
S’il a toutefois travaillé pendant cette période, il ne peut prétendre auprès du premier employeur au paiement de l’indemnité compensatrice de congés payés.
La Cour de Cassation a décidé a maintes reprises que le caractère forfaitaire de l’indemnité pour violation du statut protecteur octroyée au salarié qui ne demande pas sa réintégration, privait celui-ci du droit de réclamer une indemnité compensatrice de congés payés.
En l’occurrence, si le salarié se trouve à l’origine de son départ en retraite, et la réintégration demandée initialement de fait impossible, l’article 7 de la directive est interprété par la CJUE en ce sens que le salarié qui part en retraite ne peut être privé du droit à indemnité pour congés payés non pris.
L’issue du recours, favorable au salarié, s’imposait.
[1] CJUE 20 juillet 2016 Maschek, aff C-341/15