Le licenciement pour harcèlement moral d’un salarié dont l’employeur partage et approuve les méthodes managériales ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

Source : Cour de Cassation Soc 12 juillet 2022 n° 20-22857

En l’espèce un salarié cadre, directeur des systèmes d’information est licencié pour avoir instauré un climat de peur et de tension dans l’objectif de remplacer l’ancienne équipe par une nouvelle équipe embauchée par lui-même.

Il conteste son licenciement en soutenant que l’employeur n’a pas réprouvé les méthodes managériales qu’il a employées, mieux qu’il les a approuvées de sorte que son comportement ne pouvait faire l’objet d’une sanction.

La faute  du salarié peut-elle être écartée dans ces conditions ?

La question de l’existence du harcèlement moral n’est pas posée ici : il  a été constaté que les faits précis et répétés rapportés permettent de laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral.

Si le  comportement du salarié a été harcelant , celui-ci résulte de la mise en place avec sa hiérarchie d’un processus de changement et de réorganisation de l’entreprise ; le salarié  n’a pas été désapprouvé par son employeur qui a pris fait et cause pour lui lors de la réponse aux doléances de la victime.

La Cour d’Appel admet  la thèse défendue par le salarié et juge que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L’employeur maintient sa position en arguant que constatant des faits commis par le salarié laissant présumer l’existence d’un harcèlement moral, les juges du fond devaient nécessairement en déduire que ces faits étaient constitutifs d’une faute grave ou à tout le moins pouvaient constituer une  cause réelle et sérieuse de licenciement.

La Cour de Cassation approuve la décision de la Cour d’Appel : elle rappelle l’appréciation souveraine de la Cour d’Appel sur les éléments de fait  et les preuves et juge que la Cour d’Appel a pu déduire de ces faits que le comportement du salarié ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise et qu’il ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La solution n’est guère surprenante dès lors que l’entreprise avisée des agissements du salarié, porte une responsabilité dans le harcèlement moral.

Elle se situe dans le prolongement de décisions précédentes qui ont admis que le salarié pouvait opposer le comportement de l’employeur ou le contexte dans lequel les faits reprochés (qui pouvaient relever d’une gestion autoritaire et inadaptée mais pas nécessairement d’un harcèlement) avaient été commis.

La Cour de Cassation a considéré que l’obligation faite à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral n’implique pas par elle-même la rupture immédiate du contrat de travail d’un salarié à l’origine d’une situation susceptible de caractériser ou dégénérer en harcèlement moral[1]

Les pressions de l’employeur sont prises en compte : lorsque le salarié auteur des faits est lui-même victime d’un comportement harcelant de l’employeur, il  a été admis que « le comportement d’un salarié quoique blâmable ne revêtait pas, du fait de la pression exercée sur lui par l’employeur, un caractère sérieux justifiant son licenciement »[2]


[1] Cass Soc 22 octobre 2014  n° 13-18862 .

[2]  Cass Soc 8 novembre 2011 n° 10-12120

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