Sources : CAA LYON 13 janvier 2022 n° 19 LY 03419
I –
Pour mémoire, l’article 111 du Code Général des Impôts (CGI) dispose que les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués, qu’ils soient ou non prélevés sur les bénéfices.
Traditionnellement, l’Administration distingue :
Les rémunérations occultes qui figurent régulièrement dans les charges comptables de l’entreprise et qui, en apparence, tout au moins en rémunèrent un service, une fonction ou même un prêt dont la réalité n’est pas contestée, mais dont l’entreprise ne relève pas l’identité de l’auteur, c’est-à-dire du bénéficiaire de la rémunération, lequel d’ailleurs est généralement un tiers étranger à l’entreprise ;
Des distributions occultes qui ne sont pas destinées à rémunérer un quelconque service ; elles sont constituées par des sommes ou valeurs qui peuvent ou non se retrouver en comptabilité.
En synthèse, les rémunérations occultes traduisent, entre autres, la prise en charge par la société de dépenses qui ne lui incombent pas normalement et dont elle n’entend pas désigner le ou les bénéficiaires.
Ainsi, il est posé en l’article 117 du CGI un principe d’imposition des rémunérations et distributions occultes qui est une procédure autonome et distincte de celle habituellement connue des contribuables. Conformément au texte, en cas de refus ou à défaut de réponse dans le délai imparti de la procédure pour désigner les bénéficiaires des distributions, les sommes correspondantes donnent lieu à l’application des pénalités de l’article 1759 du CGI, dont la base de calcul est assise sur la rémunération aux distributions occultes versées. Rappelons que l’article 1759 du CGI précise que les sociétés et les autres personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent directement ou par l’intermédiaire de tiers des revenus à des personnes, dont contrairement aux dispositions de l’article L.117 du GCI et l’article 240 du CGI, elle ne relève pas l’identité, sont soumises à une pénalité égale à 100 % des sommes versées ou distribuées.
Dénoncer le bénéficiaire effectif permet, en revanche, à l’entreprise de réduire cette pénalité à … 75 %.
Evidemment, cette pénalité se cumule avec la réintégration des revenus occultes dans l’assiette des bénéfices … avec, bien entendu, la réclamation des intérêts de retard et, évidemment, le cumul de l’amende pour défaut de déclaration des rémunérations prévues. Bref, un sérieux redressement.
II –
Pour contourner le défaut de déclaration du bénéficiaire des revenus et distributions occultes, le Conseil d’Etat, dans une décision de juin 2016[1] a instauré une présomption d’appréhension desdits revenus par le maître de l’affaire, lequel a été défini par une autre décision intervenue en septembre 2019[2] comme suit :
« Une personne qui exerce la responsabilité effective de l’ensemble de la gestion administrative, commerciale et financière de la société dispose, sans contrôle, de ses fonds »
Ainsi, face à une procédure en reconnaissance de revenus ou distributions occultes, le maître de l’affaire doit-il démontrer, pour échapper en cumul de la procédure que va subir l’entreprise qui contrôle et dirige un redressement sur ses revenus personnels, qui n’est précisément pas … le seul maître de l’affaire.
III –
Dans l’affaire examinée par la Cour Administrative d’Appel de LYON, une société à responsabilité limitée avait subi la procédure posée à l’article 117 du CGI précité, qui avait conduit, immédiatement, ladite Administration à notifier au gérant une cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des exercices repris par l’Administration au titre de la SARL, pour l’essentiel dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l’article 111 du CGI, là encore précité.
Les dirigeants saisissent le Tribunal Administratif de LYON qui rend une décision qui ne les satisfait pas, de sorte que l’affaire est, sur appel, traitée par la Cour Administrative d’Appel de LYON qui va donner raison au contribuable.
Et à cette fin, tout en reconnaissant que le gérant contrôlait la société à hauteur de 60 % du capital et qu’il disposait seul de la signature sur le compte bancaire de la société, la Cour écarte la qualité de maître de l’affaire aux motifs suivant :
« Que l’associé minoritaire exerçait conjointement avec le gérant la direction de la société, notamment au titre de la gestion administrative et pour partie la gestion commerciale ;
Que l’associé minoritaire a reconnu partagé avec son associé les sommes reçues sur le compte bancaire de la société selon une répartition en principe conforme à la répartition des parts de la société, mais susceptible de variations en fonctions des chantiers ;
Que la signature, sur le compte bancaire dont bénéficiait seul le gérant, ne suffisait pas à établir qu’il disposait sans contrôle des fonds de la société dès lors qu’il résulte également des déclarations du minoritaire que certaines opérations avaient lieu en espèce ».