Recours de l’assureur dommages-ouvrage et subrogation in futurum

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

Source : Arrêt n°771 du 5 novembre 2020 (19-18.284 ) – Cour de cassation – Troisième chambre civile

 

I –

 

Dans cette affaire, la Commune de LILLE a entrepris en sa qualité de maître d’ouvrage à l’extension de l’hôtel de ville ainsi qu’à la construction de deux immeubles à usage de bureaux.

 

Les travaux de gros-œuvre ont été sous-traités à deux entreprises.

 

Une assurance dommages-ouvrage a par ailleurs été souscrite par la Commune.

 

Les travaux ont été réceptionnés.

 

Les parements de briques de la façade de l’hôtel de ville, objets des travaux, ont présenté un phénomène de dégradations.

 

La commune a assigné l’assureur dommages ouvrages qui a de son côté assigné les assureurs des sous-traitants en charge des travaux de gros-œuvre.

 

La commune et l’assureur dommages-ouvrage ont régularisé un protocole transactionnel.

 

II –

 

La C d’appel a jugé irrecevable le recours de l’assureur dommages-ouvrage exercé à l’encontre de l’assureur des sous-traitants.

 

Selon la Cour, et dès lors que le maître de l’ouvrage n’avait formé aucune action à l’encontre des sous-traitants ou de la SMABTP et qu’à la date de la transaction, n’ayant plus d’action à l’encontre de ceux-ci, il n’a pu transmettre aucune action à l’encontre des sous-traitants et de leur assureur à l’assureur dommages-ouvrage.

 

Dans ces conditions, l’assignation délivrée par l’assureur dommages-ouvrages n’a pas interrompu le délai de prescription.

 

III –

 

La Cour de cassation n’a pas suivi le raisonnement de la Cour d’appel et a cassé l’arrêt.

 

La Cour de cassation rappelle les dispositions de l’article L.121-12 du Code des Assurances qui dispose que l’assureur qui a payé l’indemnité d’assurance est subrogé, jusqu’à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l’assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l’assureur.

 

La Cour rappelle par ailleurs que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

 

De même, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

 

En outre, et dans le cas où la situation donnant lieu à une fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

 

Selon la Haute Juridiction, la Cour d’appel n’a pas recherché si l’assureur dommages-ouvrage n’avait pas été subrogée par le maître de l’ouvrage avant qu’elle ne statue.

 

Or, et de jurisprudence constante, l’assureur dommages-ouvrage a la possibilité d’intenter, dès que sa garantie est mise en jeu par l’assuré, une action contre les constructeurs afin d’éviter tout risque d’expiration du délai de dix ans, sans être bloqué par le fait qu’il n’a pas encore été subrogé dans les droits de l’assuré.

 

En effet, est recevable l’action engagée par l’assureur avant l’expiration du délai de forclusion décennale, bien qu’il n’ait pas eu, au moment de la délivrance de son assignation, la qualité de subrogé dans les droits de son assuré, dès lors qu’il a payé l’indemnité due à ce dernier avant que le juge du fond n’ait statué » (Civ. 3e, 10 déc. 2003, n° 01-00.614, RDI 2004)

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