Licenciement du salarié handicapé déclaré inapte : gare à l’absence de sérieux dans la recherche d’un reclassement

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 3 juin 2020 n°18-21.993 FS-P+B (rejet)

 

Un salarié est entré au service d’une société de nettoyage en qualité d’Agent d’Entretien au sein de l’agence Nord Pas de Calais par un contrat à durée indéterminée du 28 avril 1998.

 

A la suite d’un accident de travail survenu le 15 juin 2010, le salarié a été reconnu travailleur handicapé le 24 décembre 2010.

 

A la suite de la seconde visite médicale du 7 avril 2015, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte tout en précisant : « apte à un travail ne nécessitant pas du tout l’usage du bras droit (pas de geste répétitif lié au nettoyage, pas de port de charge, pas de manutention) ».

 

Par lettre du 4 juin 2015, l’employeur a informé le salarié de son impossibilité de le reclasser au sein du groupe avant de le licencier pour inaptitude le 26 juin 2015, lui indiquant que les recherches entreprises pour son reclassement n’avaient pas permis de trouver un poste compatible avec son état de santé tel qu’apprécié par le médecin du travail dans son avis du 7 avril 2015.

 

Considérant son licenciement comme discriminatoire en raison de son état de santé et de son handicap, le salarié a saisi le Conseil de Prud’hommes d’une contestation de la rupture et de diverses demandes indemnitaires.

 

En cause d’appel, cette affaire arrive par devant la Cour d’Appel de Douai, laquelle, dans un arrêt du 29 juin 2018, va prononcer la nullité du licenciement, soulignant concernant l’employeur que :

 

  Il ne rapportait pas la preuve que des recherches de reclassement aient été effectuées au sein du groupe parmi les activités autorisant la permutation des personnels dans les autres domaines d’activités que le nettoyage,

 

  Qu’il ne justifie pas d’étude ou de recherches d’aménagement du poste de travail conformes aux préconisations médicales,

 

  Que les courriels, stéréotypés et de pure forme, adressés aux agences du groupe n’ont donné lieu à aucune exploitation sérieuse et à aucune demande d’information complémentaire, ce qui ne permettait pas de retenir une réelle volonté de l’employeur de conserver le salarié parmi ses effectifs,

 

  Qu’invité à deux reprises par le salarié à consulter le SAMETH, service chargé de prévenir la perte d’emploi des travailleurs handicapés afin de trouver une solution permettant le maintien de son emploi, l’employeur n’a pas accompli une telle démarche, et qu’il a ainsi fait perdre au salarié une chance de conserver son emploi,

 

  Que s’il est exact qu’aucune disposition légale n’obligeait l’employeur à se rapprocher du SAMETH, son refus d’y procéder malgré les demandes pressantes du salarié, révèle une exécution défaillante de l’obligation de reclassement dans la mesure où il a négligé un moyen parmi d’autres d’y parvenir,

 

La Cour d’Appel de DOUAI estime que nonobstant l’importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers, de manière générale, l’employeur n’a pas sérieusement exécuté son obligation de reclassement.

 

La Cour d’Appel en conclut donc que le salarié a été victime de discrimination liée à son état de santé et à son handicap.

 

En suite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur prétend :

 

  Que les courriels qu’il avait produits, adressant une demande de reclassement aux autres agences régionales de la société, justifiaient du sérieux de sa recherche de reclassement,

 

  Que le salarié avait déclaré dans un courrier du 30 mars 2015, s’opposer à un reclassement au-delà de la communauté urbaine de Lille, de sorte qu’on ne pouvait pas lui reprocher de ne pas avoir recherché le reclassement du salarié sur tout le territoire national,

 

  Qu’il avait sollicité le médecin du travail aux fins de savoir quel type de tâches le salarié pourrait éventuellement effectuer, et que le médecin du travail avait par courrier du 13 avril 2015 refusé de lui apporter la moindre réponse en se retranchant derrière son avis d’inaptitude, de sorte qu’il avait été dans l’impossibilité d’envisager un aménagement du poste de travail, compte tenu du refus du médecin du travail de coopérer,

 

  Qu’aucune disposition n’impose à l’employeur de saisir le SAMETH dans le cadre de son obligation de reclassement,

 

  Que le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour seule conséquence de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse et non pas de l’entacher de nullité.

 

Mais la Chambre Sociale de la Haute Cour ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.

 

Soulignant que si le manquement de l’employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour aptitude et impossibilité de reclassement,

 

Toutefois l’article L5213-6 du Code du Travail, dispose qu’afin de garantir le respect d’égalité de traitement à l’égard des travailleurs handicapés, l’employeur prend en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, que ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en œuvre ne soient pas disproportionnées compte tenu de l’aide prévue à l’article L5213-10 qui peut compenser tout ou partie des dépenses supportées à ce titre par l’employeur, et que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d’une discrimination au sens de l’article L1133-3 du Code du Travail.

 

Constatant que l’employeur malgré l’importance de ses effectifs et le nombre de ses métiers, ne justifiait pas d’étude, de recherche ou d’aménagement du poste du salarié et qu’il n’avait pas consulté le SAMETH bien qu’il y ait été invité à deux reprises par le salarié, elle considère que la Cour d’Appel a pu en déduire qu’il avait refusé de prendre les mesures appropriées pour permettre à ce dernier de conserver un emploi, ce dont il résultait que le licenciement constitutif d’une discrimination à raison du handicap était nul.

 

Par suite, la Haute Cour rejette le pourvoi.

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