SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 11 décembre 2019, n° 18-11.792 FS – P+B
Un salarié né en 1955, embauché le 1er octobre 1976 par un organisme bancaire en qualité de Prospecteur, a occupé diverses fonctions, et aux derniers états desdites fonctions exerçait celles de formateur.
Le 28 novembre 2012, le salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement et mis à pied à titre conservatoire, l’entretien se tenant le 6 décembre 2012.
Le conseil de discipline de l’organisme bancaire s’est réuni le 17 décembre 2012 et le 20 décembre 2012 le salarié a été licencié pour faute grave l’employeur lui reprochant des consultations frauduleuses de comptes de personnes de son entourage familial, de son cercle relationnel, de ses collègues de travail ou de ses administrés, consultations n’étant causées par aucun motif légitime et caractérisant la violation du secret bancaire et la violation du droit au respect de la vie privée.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi une juridiction prud’hommale laquelle l’a débouté de l’intégralité de ses demandes.
En cause d’appel, cette affaire arrive par devant la Cour d’Appel de Reims, laquelle dans un arrêt rendu le 6 décembre 2017, va considérer que le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse au motif que l’employeur, établissement de crédit, qui utilise l’outil de traçabilité issu du système de contrôle interne, afin de vérifier si son salarié procède à des consultations autres que celles des clients de son portefeuille, aurait dû informer et consulter le comité d’entreprise sur l’utilisation du dispositif à cette fin, en application de l’article L2323-32 du Code du Travail, ce qui n’avait pas été fait, de sorte qu’un tel moyen de preuve étant illicite il devait donc être écarté.
En suite de cette décision, l’établissement bancaire forme un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi, l’employeur prétend qu’un établissement de crédit est libre, sans avoir à en informer préalablement le comité d’entreprise, d’utiliser un système informatique destiné à assurer la sécurité des données bancaires et une maîtrise des risques, serait-il doté d’un système de traçabilité pour vérifier si un salarié a procédé à des consultations autres que celles des clients de son portefeuille.
Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.
Soulignant que le comité d’entreprise doit être informé et consulté, préalablement à la décision de mise en œuvre dans l’entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés, et constatant que l’outil de traçabilité destiné aux contrôles des opérations et procédures internes, à la surveillance et la maîtrise des risques permettaient également de restituer l’ensemble des consultations effectuées par un employé et étaient utilisé par l’employeur afin de vérifier si le salarié procédait à des consultations autres que celles des clients de son portefeuille, la Chambre Sociale considère que la Cour d’Appel en a exactement déduit que l’employeur aurait dû informer et consulter le comité d’entreprise sur l’utilisation de ce dispositif à cette fin, et qu’à défaut, il convenait d’écarter des débats les documents résultants de ce moyen de preuve illicite.
Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi sur ce point.
Toutefois, la Chambre Sociale casse partiellement l’arrêt d’appel reprochant à celui-ci d’avoir alloué une somme à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral sans avoir caractérisé une faute dans les circonstances de la rupture de nature à justifier l’allocation d’une indemnité distincte des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d’avoir alloué au salarié une somme au titre de la perte de chance de percevoir l’indemnité de fin de carrière, dont elle précise que ladite indemnité ne pouvait se cumuler avec l’indemnité de licenciement.