Source : Conseil d’Etat 27/05/2020 n°4340675, mentionné dans les tables du recueil Lebon
Un contribuable particulièrement chanceux a non seulement trouvé un ticket d’Euro Million dans la rue mais ce ticket s’est avéré gagnant, de premier rang de surcroît. Il s’est présenté à la Française des Jeux pour recevoir le gain s’élevant à 163 000 000 € mais le versement lui a été refusé au motif que l’acheteur du ticket gagnant s’était présenté et revendiquait également le gain.
Pour régler la difficulté, chaque partie ayant une bonne raison pour revendiquer la totalité du gain (l’un en ce qu’il remet le ticket conformément au règlement de l’Euro Million et l’autre en tant qu’acheteur du ticket), la Française de Jeux les a invité à trouver un accord pour qu’il soit procédé au versement. Les parties se sont entendues et le contribuable ayant trouvé le ticket s’est engagé à renoncer au gain moyennant le versement par l’acheteur du ticket d’une somme de 12 000 000 €.
L’administration fiscale s’est intéressée à l’affaire et a, suite à l’examen de la situation fiscale personnelle du contribuable ayant trouvé le ticket, imposé l’indemnité reçue dans la catégorie des plus-value de cession de bien meuble, estimant que le ticket gagnant avait été cédé à l’acheteur initial.
Cette position a été contestée par le contribuable et la Cour Administrative d’Appel a rejeté tant l’argument principal de l’administration que celui présenté à titre subsidiaire et au terme duquel l’indemnité constituerait un bénéfice non commercial reçu suite à la prestation de service rendue par le contribuable ayant trouvé le ticket au profit l’acheteur et constituée par la restitution du ticket.
Le Conseil d’Etat rejet le pourvoi introduit par l’administration fiscale et valide le raisonnement de la juridiction d’appel.
Il constate que la Cour Administrative d’Appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que l’indemnité ne pouvait être considérée comme un prix de cession et par suite ne pouvait être imposée au titre des plus-values dès lors que le règlement de l’Euro Millon prévoit que la détention du reçu ne conférait aucun droit à son porteur lorsqu’il n’était pas le joueur et que la Française des jeux en demeurait propriétaire.
Le Conseil d’Etat estime que la Cour Administrative d’Appel n’a pas non plus commis une erreur de droit en jugeant que l’indemnité ne pouvait être considéré comme un bénéfice non commercial au sens de l’article 92 du Code Général des Impôts lequel dispose « Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ».
Si le Conseil d’Etat reconnait que l’indemnité a bien été versée en contrepartie d’une prestation rendue (restitution du ticket), elle ne peut, pour autant, constituer, à ce titre, un bénéfice non commercial dès lors que « le profit en cause était par nature insusceptible de se renouveler ».
Il est en effet de jurisprudence constant que l’imposition, en tant que bénéficie non commercial, de tout profit n’entrant dans aucune autre catégorie de revenus n’est possible que s’il est certain que ce profit peut se renouveler.
En l’espèce, il est certain qu’un tel gain, qualifié par le Conseil d’Etat de « purement accidentel », ne pourra se renouveler.
Dans ces conditions, faute de disposition applicable, l’indemnité constitue un revenu non imposable.
Le contribuable ayant trouvé le ticket se trouve ainsi traité, sur un plan fiscal, de la même façon que l’acheteur, titulaire d’un gain au loto par nature non taxable.