Harcèlement sexuel : un comportement inadapté sur le lieu de travail, sanctionné par l’employeur, laisse présumer l’existence d’un harcèlement sexuel

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la cour de Cassation du 8 juillet 2020 n° 18-23.410 (FS-P+B)

 

Une salariée a été engagée au sein d’une société en qualité d’Opératrice de Saisie-Accueil dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée signé le 3 janvier 2012.

 

Le 3 mars 2014, la salariée a été informée de sa mise à pied conservatoire et de sa convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement lequel lui a été notifié pour faute grave par un courrier du 14 mars 2014.

 

Contestant son licenciement, la salariée a saisi le Conseil de Prud’hommes de diverses demandes indemnitaires prétendant avoir été victime d’un harcèlement sexuel par son supérieur hiérarchique.

 

A l’appui de ses allégations, elle fournit à titre de preuve un récit établi par elle-même concernant des compliments sur son physique, des invitations au restaurant, la dégradation du comportement de son supérieur après les vacances d’été 2013 par une formulation de remarques négatives, humiliantes et désobligeantes avec des propos à caractère sexuel, des message sur des « post-it » ainsi que des échanges de messages électroniques, outre un certificat médical indiquant qu’elle souffre de troubles anxieux sévères en rapport avec une situation conflictuelle au travail et une prescription d’anxiolytiques.

 

Si les premiers juges vont accueillir les demandes de la salariée, toutefois, la Cour d’Appel de CAEN, dans un arrêt du 2 août 2018, va au contraire considérer que l’ensemble des éléments de preuves fournis par la salariée font ressortir que son supérieur hiérarchique avait entrepris à son égard une démarche de séduction à l’égard de sa subordonnée avec laquelle il entretenait des liens tantôt aimables, tantôt familiers, et témoignant d’une relation de travail détendue.

 

La Cour d’Appel en conclut que ces éléments sont insuffisants à caractériser une pression grave telle que désignée par l’article L1153-1 du Code du Travail considérant que les éléments présentés et considérés dans leur ensemble s’ils constituaient un comportement inadapté sur le lieu de travail, ne laissaient pas présumer l’existence d’un harcèlement sexuel.

 

En suite de cette décision, la salariée forme un pourvoi en cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, elle prétend que l’arrêt d’appel n’a pas pris en compte l’ensemble des éléments qu’elle avait fournis à titre de preuve du harcèlement sexuel qu’elle avait subi et notamment la reconnaissance par l’intéressé de son comportement inapproprié de même que la sanction disciplinaire que l’entreprise avait prise à son égard en raison, précisément, dudit comportement inapproprié.

 

Bien lui en prit, puisque la Chambre Sociale, considérant que la Cour d’Appel :

 

– qui a estimé que la salariée n’avait pas subi de harcèlement sexuel et l’avait déboutée de l’ensemble de ses demandes,

 

– et qui a retenu que les éléments présentés par l’intéressée, considérés dans leur ensemble, s’ils constituaient un comportement inadapté sur le lieu de travail, ne laissaient pas présumer l’existence d’un harcèlement sexuel,

 

– ceci alors que la salariée soutenait que son supérieur hiérarchique avait reconnu avoir été entreprenant à son égard et que l’employeur avait sanctionné ce dernier par un avertissement pour comportement inapproprié vis-à-vis de sa subordonnée,

 

– n’a pas pris en considération tous les éléments présentés par la salariée et n’a pas donné de base légale à sa décision.

 

Par suite la Chambre Sociale, casse et annule l’arrêt d’appel.

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