SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 18 septembre 2019, n° 18-15.765 (FS-P+B).
Une salariée employée en qualité d’assistante de direction par une entreprise de restauration rapide, et par ailleurs déléguée du personnel, a démissionné de ses fonctions le 24 avril 2013, puis a saisi le Bureau de Jugement du Conseil des Prud’hommes de FREJUS le 06 octobre 2014 d’une demande en requalification de sa démission en un licenciement nul pour cause de harcèlement et violation de son statut protecteur.
Si ses demandes vont être rejetées par le Conseil des Prud’hommes de FREJUS, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, dans un Arrêt du 06 avril 2018, va, au contraire, accueillir l’ensemble de ses demandes.
En réponse aux prétentions de l’employeur qui soutenait que la saisine de la salariée du 06 octobre 2014 était nulle pour ne pas avoir respecté le préalable de la conciliation et qu’en conséquence ses demandes étaient prescrites, la Cour d’Appel va relever que l’article L.1451-1 du Code du Travail ne fait aucune différence entre une rupture du contrat de travail prise par acte du salarié aux torts de l’employeur et une rupture résultant d’une démission dont il est demandé la requalification en un licenciement irrégulier et infondé, de sorte que c’est valablement que la salariée avait saisi le Conseil des Prud’hommes le 06 octobre 2014.
Par ailleurs, la salariée prétendait qu’étant déléguée du personnel, elle avait subi de la part de son responsable hiérarchique un harcèlement constant : modification de ses plannings de travail sans concertation en dépit de ses charges de famille, justification de ses heures supplémentaires au contraire de la pratique générale, refus de versement des primes versées à tous les manageurs, sollicitations pendant ses congés payés et arrêts maladie, menaces et agressions verbales régulières.
A l’appui de ses prétentions, la salariée fournissait deux déclarations de main courante faites aux services de police, de nombreuses attestations d’autres salariées de l’entreprise confirmant que celle-ci se faisait régulièrement agressée verbalement et était en pleurs après ses entretiens avec son responsable, outre des arrêts de travail correspondant à la période des agissements de harcèlement faisant mention de l’état dépressif réactionnel lié à un problème de harcèlement au travail.
La Cour examinant l’ensemble des éléments évoqués par la salariée et relevant que l’employeur ne produit aucun élément établissant que ses agissements et notamment les agressions verbales n’étaient pas constitutives de harcèlement, décide que la démission de la salariée doit être requalifiée en une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail, cette prise d’acte étant liée à des actes de harcèlement moral commis par l’employeur s’analysant en un licenciement nul.
Par suite, la Cour d’Appel condamne l’employeur au versement de dommages et intérêts pour licenciement nul, pour fait de harcèlement et pour violation du statut protecteur.
Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’Arrêt d’appel d’avoir rejeté sa demande tendant à déclarer prescrites les demandes de la salariée, considérant que la salariée ayant démissionné sans réserve, elle ne pouvait pas saisir directement le Bureau de Jugement, mais devait saisir préalablement le Bureau de Conciliation, de sorte que lorsque le Conseil des Prud’hommes avait statué sur cette affaire, les demandes de la salariée était prescrite.
Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.
Relevant que la Cour d’Appel a exactement décidé que les dispositions de l’article L.1451-1 du Code du Travail ne faisait pas de distinction entre une rupture du contrat de travail prise par acte du salarié aux torts de l’employeur et une rupture résultant d’une démission dont il est demandé la requalification, la saisine initiale par la salariée du Conseil des Prud’hommes le 06 octobre 2014 était valable et sa demande n’était pas prescrite.
Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi sur ce point.
Toutefois, la Chambre Sociale va casser l’Arrêt d’appel uniquement en ce qu’il avait condamné l’employeur à rembourser au Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de 6 mois, constatant que le remboursement des indemnités de chômage ne pouvait être ordonné en cas de nullité du licenciement.
L’Arrêt est donc cassé sur ce point, sans renvoi.