Travaux sur existants et réception tacite : la démonstration de la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage doit être démontrée peu important la prise de possession des lieux par ce dernier.

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

La Cour de cassation est de nouveau amenée à se prononcer sur la problématique de la réception tacite des ouvrages.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 mai 2024, 22-22.938, Publié au bulletin

I –

Une commune a fait procéder à la construction d’un complexe socio-culturel sportif.

Pour cela, elle a souscrit une police d’assurance dommages-ouvrage.

Les opérations de réception sont intervenues le 2 février 1994.

Une déclaration de sinistre a été régularisée auprès de l’assureur dommages-ouvrage en 2001 à propos de l’apparition de fissures importantes en façade.

Un expert technique a été missionné par l’assureur dommages-ouvrage qui a remis un rapport le 6 octobre 2003 et des travaux de reprise des fissures ont été réalisés sous maîtrise d’œuvre.

Une nouvelle déclaration de sinistre a été régularisée les 27 octobre 2004 et 25 avril 2009 portant sur l’apparition de nouvelles fissures.

Il était également dénoncé le défaut de stabilité de la structure et l’inefficacité des travaux de reprise précédemment réalisés.

Par actes en date du 20 février 2014, la commune a assigné les constructeurs (en ce compris l’entreprise ayant repris les fissures dans le cadre su sinistre dommages-ouvrage) et leurs assureurs ainsi que la société d’expertise technique qui avait été missionnée par l’assureur dommages-ouvrage le 2 juillet 2015.

La société ayant repris les fissures a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire en cours de procédure.

II –

Un débat s’est soulevé au sujet de la prescription de l’action de la Commune contre l’entreprise missionnée par l’assureur dommages-ouvrages.

Pour autant le sujet qui intéresse cet arrêt porte sur la question de la réception des ouvrages.

En effet, la Cour d’appel n’a pas retenu le caractère décennal des désordres alors que le paiement de l’intégralité des travaux d’un lot et sa prise de possession par le maître de l’ouvrage valent présomption de réception tacite.

III –

Pour autant la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé.

La Haute Juridiction rappelle liminairement les conditions de la réception tacite à savoir la prise de possession des lieux et le paiement du prix, faisant présumer cette réception, réception qui ne peut résulter que du seul fait que le maitre d’ouvrage occupait déjà les lieux.

Au cas d’espèce, la Cour avait relevé que les travaux de réparation réalisés dans le cadre des opérations dommages-ouvrage comprenaient un temps de latence entre le gros œuvre et les finitions, destiné à observer le comportement du bâtiment.

En outre, les travaux de finition n’avaient été ni exécutés ni payés et que ces travaux faisaient partie d’une mission unique, non susceptibles d’être divisés en tranches.

Quand bien même le maître d’ouvrage occupait les lieux, en l’absence de réalisation des travaux de finition et donc du paiement du prix et dès lors que la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de recevoir l’ouvrage n’était pas démontrée, la Cour de cassation juge que la Cour d’appel, à bon droit, a jugé que la réception tacite ne pouvait être invoquée.

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