Si le devoir de mise en garde s’apprécie globalement, le caractère disproportionné du cautionnement sera regardé individuellement.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

SOURCE : Cass. Civ1., 10 septembre 2015 n° 14-18.851, n° 957 F + PB

 

On ne cessera de le dire, l’acte de cautionnement est un acte délicat tant pour la caution que pour la Banque qui en bénéficie.

 

Si l’établissement de crédit s’offre une sureté par cet engagement, il ressort des textes que le cautionnement oblige l’organisme prêteur à assurer bon nombre de diligences.

 

En effet, l’acte de cautionnement oblige la banque non seulement à assurer son devoir de conseil, de mise en garde, mais également à vérifier que la sureté consentie ne soit pas disproportionnée au regard des ressources de la caution.

 

Si la Haute Cour se prononce régulièrement sur les mentions manuscrites obligatoires, que ce soit sur leur forme ou leur intégrité, le litige qui a occupé la Cour de cassation est pour le moins intéressant.

 

En l’espèce, une Banque avait consenti un prêt à deux coemprunteurs solidaires. L’un des coemprunteurs devenant défaillant dans le remboursement du crédit, la Banque se retourna contre le second emprunteur pour obtenir paiement du solde.

 

Si le cas est jusque-là classique, le litige prend désormais une tournure qui fera l’objet de la cassation.

 

Le débiteur solvable oppose à la Banque un manquement à son devoir de mise en garde en faisant observer à cette dernière que le prêt doit être apprécié de manière distincte pour chacun des coemprunteurs.

 

L’argumentation tenue découle directement des ressources de chacun des coemprunteurs, l’un avait des revenus trois fois supérieurs à l’autre.

 

La Cour de cassation rejettera l’argumentation et condamnera le débiteur solvable à payer l’entièreté du solde. La Cour précise que « lors de la conclusion d’un contrat de prêt par plusieurs codébiteurs solidaires, le banquier est tenu d’un devoir de mise en garde à l’égard de chacun des codébiteurs solidaires non avertis ; que le caractère adapté du prêt doit alors être apprécié séparément, pour chacun de ces codébiteurs, au regard de ses capacités financières personnelles et du risque d’endettement né de l’octroi du prêt ;  »

 

L’arrêt est intéressant en ce qu’il vient établir une différence entre les notions de mise en garde et de caractère disproportionné.

 

Si l’on a pu voir que l’obligation de mise en garde s’appréciait de manière collective à travers les coemprunteurs, il n’en sera pas de même pour la disproportion.

 

Le caractère disproportionné sera recherché de manière individuelle au sein des coemprunteurs solidaires.

 

C’est ce qu’a jugé par deux fois la Cour de cassation, l’une en chambre civile et l’autre en chambre commerciale, en précisant que « la cour d’appel s’est placée au jour de la conclusion des engagements pour apprécier leur caractère manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus des cautions ; qu’ensuite Mme X… et Mlle Z…, cautions solidaires d’un même débiteur pour une même dette, pouvaient se voir réclamer chacune le paiement intégral de la dette ; que c’est donc à juste titre que la cour d’appel a apprécié le caractère manifestement disproportionné de l’engagement des cautions au regard des revenus de chacune d’entre elles »[1].

 

Ainsi, la contestation de l’engagement de caution en cas de pluralité d’emprunteurs de cautions devra être recherchée soit sur la mise en garde, soit sur la disproportion en tenant compte de la spécificité de la prise en compte du critère.

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass. Civ1, 22 octobre 1996 n°94-15615, Bull. Civ. I n°362 et Cass.Com 13 septembre 2011n°10-18323, RDC 2012 p 1269

 

 

 

 

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