Saisine de l’interlocuteur départemental 

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Il doit impérativement être saisi entre le recours hiérarchique et la mise en recouvrement des impôts en litige même si ces deux évènements ne sont séparés que de quelques jours

Source :Conseil d’État 10/03/2023 n°464123

En contrepartie des pouvoirs de contrôle de l’administration, le contribuable vérifié dispose de certaines garanties dont la violation entraine la nullité des rectifications découlant du contrôle.

Le contribuable a ainsi la possibilité en cours ou à l’issue de la vérification de rencontrer le supérieur hiérarchique de l’inspecteur vérificateur afin d’aborder soit les conditions du contrôle soit ses conséquences. L’entretien est de droit dès lors qu’il est sollicité.

Si l’entretien avec le supérieur hiérarchique n’aboutit pas favorablement, le contribuable peut à nouveau solliciter un recours hiérarchique et rencontrer l’interlocuteur département ou régional pour évoquer son dossier.

Ces recours sont inscrits dans la charte du contribuable vérifié.

En l’espèce, le contribuable avait eu un entretien avec le supérieur hiérarchique et souhaitait saisir l’interlocuteur département mais il n’a pas eu le temps de formuler cette demande avant la mise en recouvrement qui est intervenue 15 jours après cet entretien. Il a ainsi demandé l’annulation de la procédure, estimant avoir été privé d’une garantie essentielle dans le cadre de la procédure de contrôle.

Si la juridiction de première instance a fait droit à sa demande, la Cour Administrative d’Appel a estimé que la procédure était régulière.

Le Conseil d’État valide la position de la Cour Administrative d’Appel, profitant de l’espèce pour préciser le délai dans lequel l’interlocuteur peut être saisi par le contribuable.

Il rappelle que « la charte des droits et obligations du contribuable vérifié n’imposent pas que le supérieur hiérarchique du vérificateur prenne expressément position après son entretien avec le contribuable. En l’absence de prise de position écrite du supérieur hiérarchique, les divergences avec l’administration fiscale doivent être regardées comme persistant. Par suite, tant qu’un document écrit par lequel l’administration fiscale fait savoir au contribuable qu’il n’y a plus de désaccord, n’est pas intervenu, le contribuable peut faire appel à l’interlocuteur spécialement désigné. Dans l’hypothèse où une position écrite du supérieur hiérarchique faisant état de la disparition des divergences entre l’administration fiscale et le contribuable intervient après que celui-ci a demandé à rencontrer l’interlocuteur, cette demande devient sans objet ».

Le point de départ du délai est fixé, non pas lorsque le contribuable a connaissance de la position du supérieur hiérarchique (car celui-ci peut garder le silence), mais à l’issue de l’entretien avec cet agent.

Le délai de saisine expire lors de la mise en recouvrement des impôts en litige. En l’espèce, il s’est écoulé 15 jours entre le courrier du supérieur hiérarchique et la mise en recouvrement ce qui est très rapide.

Le Conseil d’État juge en l’espèce que la société « doit être regardée comme ayant bénéficié, dans les circonstances de l’espèce, d’un délai raisonnable pour exercer son droit de faire appel à l’interlocuteur ». Il estime que le contribuable pouvait, avant même de connaître la position du supérieur hiérarchique saisir l’interlocuteur de sorte que le délai dont il disposait était suffisant.

Cette position encourage le contribuable à saisir l’interlocuteur immédiatement après son entretien avec le supérieur hiérarchique ce qui peut être délicat vis-à-vis de lui.

Dans la pratique, il est prudent de demander à réception de la réponse de l’administration aux observations du contribuable maintenant tout ou partie des rectifications :

  • La saisine du supérieur hiérarchique (recours hiérarchique) ;
  • La saisine de l’interlocuteur ;
  • La saisine de la commission (si elle est compétente)

Sans conditionner l’une ou l’autre des saisines au maintien des divergences entre l’administration et le contribuable, la jurisprudence ayant déjà estimé irrégulières les saisines conditionnelles et confirmer à l’issue du recours hiérarchique la saisine de l’interlocuteur pour éviter qu’on reproche au contribuable une saisine de l’interlocuteur trop précoce. Par ailleurs, afin de ménager les susceptibilités, il vaut mieux discuter de ce point de procédure avec le supérieur hiérarchique et le prévenir de la démarche.

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