Rupture de crédit à durée indéterminée : la faute de la banque ne saurait neutraliser sa faculté de rompre de manière anticipée les crédits octroyés.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

Source : Cass.Com., 11 septembre 2019, n° 17-26594 FS-P+B

 

I – Les faits.

 

Une banque consent à un couple, plusieurs prêts et ouverture de crédit. Par acte notarié, le couple apporte à une SCI un immeuble sur lequel a été consentie une promesse d’hypothèque en garantie du remboursement de prêts déjà octroyés.

 

Invoquant un comportement gravement répréhensible de Monsieur, la banque notifie l’interruption de tous ses concours financiers puis assigne ses débiteurs en paiement.

 

Dans le cadre de leur défense, le couple recherche la responsabilité de la banque.

 

Débouté en appel, un pourvoi est formé par le couple.

 

II – La procédure.

 

Dans le cadre des échanges, il est rappelé la lettre de l’article L313-12 du Code monétaire et financier qui précise :

 

« Tout concours à durée indéterminée, autre qu’occasionnel, qu’un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l’expiration d’un délai de préavis fixé lors de l’octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l’établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l’entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L’établissement de crédit ou la société de financement ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d’autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.

 

L’établissement de crédit ou la société de financement n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise.

 

Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l’établissement de crédit ou de la société de financement. »

 

Si le texte prévoit la règle du préavis de 60 jours, il prévoit également son exception, le comportement gravement répréhensible du débiteur.

 

Le débiteur soutient pourtant « qu’en imputant, en l’espèce, à M. Z, un comportement gravement répréhensible pour avoir encaissé sur ses comptes des chèques dont les bénéficiaires étaient ses clients, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n’avait pas elle-même manqué à ses obligations en s’abstenant de vérifier que le déposant était bien le bénéficiaire des chèques litigieux, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en la cause ».

 

La Haute Cour ne partagera pas cette argumentation et rendra un attendu largement publié qui précise que : « Mais attendu que l’éventuel manquement de l’établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques ne le prive pas de la faculté, qu’il tient de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier, de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise ; que la cour d’appel n’avait donc pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par le moyen ; que celui-ci n’est pas fondé ».

 

L’éventuelle faute du banquier ne saurait neutraliser la faculté détenue par la Banque de rompre le crédit de manière anticipée.

 

La Banque pouvait donc faire application de l’article précité eu égard au comportement de son débiteur.

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