Révocation d’un haut fonctionnaire de police pour fraude au concours de commissaire pour favoriser sa maîtresse

Eloïse LIENART
Eloïse LIENART

Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat confirme la révocation d’un ancien commissaire général de la police nationale s’étant livré à de « nombreuses manœuvres » tendant à favoriser une candidate avec qui il entretenait une relation intime.

Source : Conseil d’Etat, 26 juin 2023, n° 470462

En l’espèce, le requérant est un ancien commissaire général qui occupait les fonctions de conseiller stratégie et prospective au cabinet du directeur général de la police nationale.

En 2022, il a fait l’objet d’une enquête administrative de l’inspection générale de la police nationale, qui avait relevé de graves manquements à son encontre.

De manière plus précise, le requérant avait été désigné, sur sa demande, président du jury de la validation des acquis professionnels de commissaire pour l’année 2022 ; et avait encouragé une candidate, qui s’avérait être sa maîtresse, à s’inscrire une troisième fois à ce concours.

Il lui est ensuite reproché de s’être livré, tout au long des épreuves de sélection, à de nombreuses manœuvres tendant à favoriser la candidature de cette personne, consistant notamment à évincer certains membres du jury susceptibles d’émettre un avis défavorable sur celle-ci, à imposer un sujet de dissertation qu’il avait préparé avec elle, à lui révéler à l’avance certains sujets des écrits comme des questions susceptibles d’être posées à l’oral, à adapter la rédaction des corrigés en fonction des éléments que celle-ci indiquait avoir portés dans sa copie, à réviser à la baisse la notation de certaines copies après lui avoir demandé un spécimen de son écriture, à inciter les autres membres du jury à ne retenir qu’un très faible nombre de candidats pour les épreuves orales et à lui adresser à l’issue de la première phase de l’épreuve de mise en situation collective un message dressant le bilan de sa prestation.

Au soutien de sa requête en annulation pour excès de pouvoir du décret du 9 novembre 2022 par lequel le président de la République lui a infligé la sanction de révocation, le requérant fait valoir que l’autorité administrative ne pouvait pas prononcer de sanction à son encontre tant que le juge pénal n’avait pas statué.

Le requérant avait en effet introduit un recours tendant à la nullité des écoutes téléphoniques, réalisées dans le cadre d’une procédure pénale ouverte contre le frère de la candidate favorisée, sur lesquelles l’administration s’était fondée pour établir la réalité des manquements qui lui étaient reprochés et prononcer la sanction attaquée.

Le Conseil d’Etat rejette l’argument en énonçant que : « Si l’autorité administrative ne peut fonder une sanction disciplinaire sur des éléments recueillis en méconnaissance de son obligation de loyauté, elle n’était nullement tenue de différer le prononcé de la sanction jusqu’à ce que le juge pénal ait définitivement statué sur la régularité de la procédure pénale. Le moyen tiré de l’illégalité de la sanction à raison de l’instance en cours devant le juge pénal aux fins d’annulation de pièces de la procédure ne peut par suite qu’être écarté. »

Il relève ensuite que le requérant ne conteste pas sérieusement la matérialité des faits, et qu’au regard de leur gravité et de leur multiplicité, il a gravement manqué à ses devoirs d’exemplarité et de loyauté.

Ainsi, il écarte les arguments tirés d’une part, de ce que sa mission de président du jury revêtait un caractère marginal au regard de ses autres responsabilités professionnelles et que, d’autre part, qu’il appartenait à l’administration de faire cesser la fraude dont il se rendait coupable dès qu’elle en a eu connaissance, à savoir au stade des épreuves écrites.

Enfin, il ne fait pas non plus droit au moyen relatif à ce que le Président de la République aurait tenu compte, dans le choix de la sanction, de ce que l’annulation du concours avait été largement relayée dans les médias nationaux, portant ainsi atteinte au crédit et au renom de la police nationale.

La Haute juridiction considère en effet que les fonctionnaires actifs des services de la police nationale doivent s’abstenir de tout acte de nature à porter la déconsidération sur le corps auquel ils appartiennent.

Par conséquent, le Conseil d’Etat juge la sanction proportionnée aux manquements commis et confirme la révocation du haut fonctionnaire de police.

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