Responsabilité pour insuffisance d’actif et droit commun du mandat : le droit spécial prévaut

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. com., 9 déc. 2020, n° 18-24.730, n° 762 P+B

 

I – Le texte en question

 

L’article L. 651-2 du code de commerce permet, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, à un tribunal, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, de décider que le montant en sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.

 

II – L’espèce

 

A la suite de la liquidation judiciaire d’une société par actions simplifiée, son président fait l’objet d’une condamnation à combler l’insuffisance d’actif à hauteur de 500 000 €. Il invoque  le caractère bénévole de son mandat de dirigeant, l’article 1992 du Code civil prévoyant que la responsabilité du mandataire est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit. Il fait grief à la cour d’appel de ne pas avoir pris en considération cet élément pour diminuer sa responsabilité.

 

La cour d’appel aurait ainsi violé l’article L. 651-2 du code de commerce applicable en la cause (en sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016), par fausse application, et l’article 1992 du code civil, par refus d’application, ensemble, le principe de proportionnalité.

 

Le dirigeant saisit la Cour de cassation de la question.

 

III – Le pourvoi rejeté

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi du dirigeant. Elle rappelle le caractère spécial et autonome de la responsabilité fondée sur l’insuffisance d’actif qui ne peut pas être assimilée au régime de droit commun. La Cour de cassation précise que la cour d’appel a énoncé à bon droit que l’article 1992, alinéa 2, du code  civil, selon lequel la responsabilité générale du mandataire est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit, ne concerne pas la situation du dirigeant d’une personne morale en liquidation judiciaire poursuivi en paiement de l’insuffisance d’actif de celle-ci sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de commerce, la responsabilité de ce dirigeant s’appréciant, sur le fondement de ce texte spécial, de la même manière, qu’il soit rémunéré ou non. La solution, bien qu’elle ne soit pas nouvelle[1], méritait bien un rappel.

 

Il reste toujours pour le dirigeant la clémence du juge, dont l’appréciation reste souveraine, et assez libre en la matière, pour le sanctionner ou non. Mais au cas présent il est notamment reproché au dirigeant d’avoir loué à la société un bien immobilier appartenant à une société civile immobilière dont il détenait un grand nombre de parts.  Les juges en ont déduit que le dirigeant en aurait tiré un avantage financier mais, en omettant, selon le dirigeant, de relever que le loyer était surévalué par rapport au prix du marché.

 

[1] Cass. com. 21 juillet 1987 n° 86-10.306

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