Quand le droit de l’UE secoue le secteur de la pharmacie en ligne

Vianney DESSENNE
Vianney DESSENNE - Avocat

Source : La CNIL, Libre blanc de paiement 

 

En 2015, le site Internet www.shop-pharmacie.fr avait lancé une campagne publicitaire de grande envergure, à destination du public français, sur son activité de vente de médicaments en ligne sans ordonnance, par l’insertion de prospectus dans plusieurs millions de colis expédiés par des acteurs de la vente en ligne tels que Zalando, La Redoute ou Showroomprivé.

 

Cette campagne avait été dénoncée notamment par l’Union des groupements de pharmaciens et l’Association française des pharmaciens en ligne.

 

Par un jugement du 11 juillet 2017, le Tribunal de commerce de Paris avait conclu que le site néerlandais de la société Shop-Apotheke BV, éditeur du site litigieux, avait commis des actes de concurrence déloyale en ne respectant pas la réglementation française.

 

Un recours avait été formé devant la Cour d’appel de Paris qui avait saisi, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l’Union européenne.

 

Dans son arrêt du 1er octobre 2020, la CJUE avait considéré que la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 portant sur le commerce électronique ne s’oppose pas à ce qu’un Etat membre prenne des mesures dérogatoires en matière de vente ou de publicité en ligne de médicaments sans ordonnance, notamment en imposant l’insertion d’un questionnaire de santé.

 

A l’appui de son recours, le site néerlandais invoque l’absence de notification de cette dérogation par l’Etat français à la Commission européenne.

 

En effet, si, selon la loi française, la commande sur Internet de médicaments sans prescription est soumise à un questionnaire personnel de santé, la société néerlandaise estime que cette dérogation ne lui est pas opposable dans la mesure où aucune notification à la Commission européenne n’a été effectuée par l’Etat français, comme l’impose pourtant la directive précitée.

 

La jurisprudence de la CJUE est ici constante dès lors qu’elle affirme que l’obligation de notification constitue une exigence procédurale de nature substantielle justifiant l’inopposabilité aux particuliers des mesures non notifiées restreignant la libre circulation des services de la société de l’information.

 

En application de la clause de marché intérieur selon laquelle chaque Etat supervise les pharmacies établies sur son territoire même lorsqu’elles vendent en ligne dans un autre Etat membre, cet Etat membre, également dénommé Etat de destination, ne peut opposer sa propre législation à un prestataire établi sur le territoire d’un autre Etat membre.

 

Ainsi, si la France peut réglementer les pharmacies qui sont établies sur son territoire, elle n’a pas compétence pour réglementer une pharmacie néerlandaise à partir du moment où son activité est conforme à la législation de son Etat d’origine.

 

A contrario, un État membre ne peut prendre des mesures à l’encontre d’un prestataire établi dans un autre Etat membre et ainsi déroger à la clause de marché intérieur que :

 

  s’il a préalablement demandé à l’État membre d’origine de prendre lui-même des mesures à l’encontre de son prestataire, et ce dernier n’a pas réagi ou les mesures prises n’ont pas été suffisantes ;

 

  s’il a notifié à la Commission européenne et à l’État membre d’origine son intention de prendre de telles mesures.

 

Se conformant donc à la jurisprudence de la CJUE, la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 17 septembre 2021 a estimé que les sites de vente de pharmacie en ligne de l’Union européenne pouvaient faire de la publicité pour la vente de médicaments non soumis à prescription médicale à destination d’un public français.

Partager cet article