Présomption et limites de responsabilité du maître d’œuvre ayant accepté de réaliser une mission complète  

Amandine Roglin
Amandine Roglin

L’architecte, comme tout constructeur, est soumis à la responsabilité décennale édictée par les dispositions de l’article 1792 du Code civil.

Sa responsabilité est donc présumée et il ne peut s’exonérer qu’en rapportant la preuve de l’existence d’une cause étrangère.

Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n° 21-18.022

I –

En l’espèce, un architecte se voit confier une mission complète dans le cadre d’une opération de rénovation d’un hôtel.

En cours de chantier, des puits sont découverts et une entreprise est mandatée pour assécher les murs.

Cependant, après réception, le maître d’ouvrage découvre l’existence de désordres, en l’occurrence des remontées capillaires.

Immédiatement, le maitre d’ouvrage recherche la responsabilité du maître d’œuvre qui, à son tour, se retourne contre l’entreprise ayant réalisé les travaux d’assèchement.

 II –

En cause d’appel, la responsabilité du maître d’œuvre est écartée, les juges du fond considérant que les travaux d’assèchement ne relevaient pas de ses missions.

Plus précisément, la Cour avait relevé que les éléments de mission confiés à l’architecte comprenaient la réalisation de l’avant-projet sommaire et de l’avant-projet détaillé, l’établissement du dossier de permis de construire et du projet de conception générale, l’assistance au marché de travaux, la direction et la comptabilité des travaux et l’assistance aux opérations de réception, mais pas de missions complémentaires telles que la réalisation d’études d’exécution spécifiques pour certains lots ou l’ordonnancement ou le pilotage du chantier, consistant à déterminer l’enchaînement et la coordination des travaux et des actions des différents intervenants.

De même, l’architecte n’avait pas été chargé de la conception du système d’assèchement des murs des bâtiments de sorte qu’il ne pouvait lui être reproché d’avoir manqué à ses obligations pour n’avoir pas respecté les préconisations de la société mandaté pour assécher les murs, celle-ci étant intervenue sans conseiller de déposer les enduits avant la réalisation des travaux.

Un pourvoi est formé contre cet arrêt.

III –

La Cour de cassation casse l’arrêt considérant qu’en statuant ainsi, tout en constatant que l’architecte avait été chargé d’une mission complète de maîtrise d’œuvre, sans relever l’existence d’une cause étrangère exonératoire, la cour d’appel a violé l’article 1792 du Code civil.

En principe, la présomption de responsabilité pesant sur les constructeurs peut être écartée dans la mesure où ceux-ci parviennent à démontrer une cause étrangère.

Ils peuvent également écarter l’application des dispositions de l’article 1792 du Code civil en démontrant que les désordres ne leur sont pas imputables (Cass. 3e civ., 14 mai 2020, n° 19-12.988).

C’est ce qu’a tenté le maître d’œuvre en l’espèce en soulignant qu’il n’avait pas été mandaté pour assurer la maitrise d’œuvre de conception des travaux d’assèchement des murs.

Mais lorsque le maitre d’œuvre est tenu par une mission complète, il pourra difficilement invoquer l’absence d’imputabilité. Il semblerait en effet que la seule cause exonératoire susceptible d’être invoquée, dans cette hypothèse, soit la cause étrangère, les juges étant particulièrement sévère vis à vis du maître d’œuvre titulaire d’une mission complète.

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