Obligations de résultat du bailleur copropriétaire

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

Le bailleur est tenu d’exécuter les travaux lui incombant dans les parties privatives des locaux loués et d’indemniser le preneur de son préjudice de jouissance à compter du jour où il en été informé jusqu’à sa cessation et ce peu important qu’il ait réalisé à ce titre des diligences auprès du syndicat des copropriétaires, propriétaire des parties communes à l’origine des désordres

Arrêt du 19 juin 2025 Cour de cassation 3ème Chambre civile  Pourvoi n° 23-18.853 FS B

I –

Une société preneuse à bail au sein d’un immeuble soumis au statut de la copropriété a initialement assigné son bailleur en constatation du caractère non écrit des clauses d’indexation stipulées aux baux commerciaux ne jouant qu’en cas de variation à la hausse de l’indice et en restitution des sommes payées au titre de celles-ci.

En cours de procédure, le preneur à bail a formulé une demande additionnelle en paiement de diverses sommes aux fins notamment du versement d’une indemnité par le bailleur au titre du préjudice de jouissance subi du fait de la survenance d’infiltrations au sein du local et provenant de la toiture de l’immeuble soumis au statut de la copropriété et du préjudice financier portant sur le coût des travaux de reprise des faux plafonds de ce local ensuite de la survenance desdites infiltrations.

Le sujet qui nous intéresse porte sur les suites données à la demande additionnelle formulée par le preneur à bail.

II –

La cour d’appel saisie de cette affaire a rejeté la demande en paiement formulée par le preneur à bail au titre de son préjudice financier.

L’arrêt d’appel retient que le désordre affectant les locaux est apparu dès les premiers signalements faits par la locataire et n’est pas lié au retard fautif de la société bailleresse

En outre, le montant de l’indemnité réclamée par le preneur au titre du préjudice de jouissance a été minoré par la Cour d’appel, les juges d’appel retenant que la locataire n’a informé la bailleresse des infiltrations d’eaux dans le local loué qu’en juin 2018, que celle-ci a laissé sans réponse l’information donnée par la locataire pendant plus d’un an et demi et qu’elle ne justifie avoir saisi le syndic de copropriété de la demande de travaux de réfection de la toiture qu’en mars 2021 : le préjudice subi n’aurait consisté qu’en une perte de chance d’obtenir une réfection plus rapide.

III –

Un pourvoi en cassation a été formé par le preneur.

            III – 1.

Concernant le préjudice financier, la Cour de cassation statue au visa des dispositions des articles 1719 et 1720 du Code Civil.

Selon le premier de ces textes, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

Aux termes du second, il est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.

En application de ces deux articles, sauf pendant le temps où la force majeure l’empêcherait de faire ce à quoi il s’est obligé, le bailleur est tenu d’exécuter les travaux lui incombant dans les parties privatives des locaux loués.


Par voie de conséquence, la bailleresse devait remédier aux désordres et, à défaut d’exécuter elle-même les travaux de reprise des faux plafonds et était tenue d’avancer à la locataire les sommes nécessaires à leur exécution.

La Cour d’appel saisie n’a donc pas justifié en droit sa décision.

            III – 2.

Concernant le préjudice de jouissance, la Cour de cassation rappelle les dispositions de l’article 1149 dans sa version applicable au litige, à savoir que les dommages-intérêts dus au créancier sont de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé sans qu’il en résulte pour lui ni perte ni profit.

Également, il est rappelé les dispositions de l’article 1719 alinéa 3 par lesquelles il est précisé que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière d’assurer la jouissance paisible des locaux loués pendant la durée du bail.

La Cour de cassation renvoie également à l’arrêt rendu par la Cour de Cassation rendu le 9 octobre 1974 n°73-11.721 par lequel il a été jugé que l’obligation de résultat de l’article 1719 alinéa 3 du Code Civil ne cesse qu’en cas de force majeure et que, sans préjudice de l’obligation continue d’entretien de la chose louée, les vices apparus en cours de bail, et que le preneur était, par suite des circonstances, seul à même de constater, ne sauraient engager la responsabilité du bailleur que si, informé de leur survenance, celui-ci n’a pris aucune disposition pour y remédier (3e Civ., 13 octobre 2021, pourvoi n° 20-19.278, publié).

Par voie de conséquence, lorsque les locaux loués sont situés dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, et que le bailleur est informé de l’existence d’un tel désordre, les diligences par lui accomplies pour obtenir du syndicat des copropriétaires la cessation d’un trouble ayant son origine dans les parties communes de l’immeuble ne le libèrent pas de son obligation de garantir la jouissance paisible des locaux loués.

En définitive, la bailleresse, devait, en l’absence de force majeure caractérisée, indemniser intégralement la locataire de son préjudice de jouissance à compter du jour où elle en a été informée jusqu’à sa cessation.

L’arrêt d’appel est cassé sur ces deux moyens.

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