Nantissement d’une assurance vie et avis à tiers détendeur (ATD)

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

Source : Cass. 2e civ., 2 juill. 2020, n°s 19-11.417 et 19-13.636, n° 625 P + B + I

 

I – L’espèce

 

Le comptable responsable du service des impôts des particuliers, agissant sur le fondement de titres exécutoires délivrés à l’encontre d’un contribuable, a notifié le 31 août 2016 entre les mains d’une entreprise d’assurance un avis à tiers détenteur (ATD) portant, notamment, sur un contrat d’assurance vie rachetable souscrit par le débiteur.

 

L’assureur a indiqué qu’il ne pouvait procéder à aucun paiement au titre de ce contrat en raison d’un nantissement consenti par l’assuré au profit d’une banque et grevant ledit contrat. Le comptable public a assigné l’assureur devant un juge de l’exécution en paiement des sommes, objet de l’ATD, sur le fondement de l’article R. 211-9 du Code des procédures civiles d’exécution. Par jugement du 21 février 2018, le juge de l’exécution a accueilli la demande formée par le comptable public. La banque et l’assureur ont formé chacun un pourvoi contre l’arrêt qui a confirmé le jugement.

 

II – Le pourvoi

 

L’assureur et la banque faisaient grief à l’arrêt confirmatif attaqué de condamner l’assureur à payer au service des impôts des particuliers l’intégralité des fonds versés par l’assuré sur le contrat dans la limite de la valeur de rachat des droits à la date de la notification de l’ATD, alors que le nantissement du contrat confère au créancier nanti un droit exclusif sur la valeur de rachat de sorte que l’ATD qui oblige l’assureur à payer le Trésor public « aux lieu et place du redevable », est sans effet attributif lorsque le contrat est donné en nantissement, le redevable ne disposant plus dans son patrimoine des droits qu’il a régulièrement transférés avant la notification de l’ATD et que seul le créancier nanti reçoit valablement le paiement de la créance nantie tant en capital qu’en intérêts.

 

Au visa des articles 2363 du Code civil et L. 132-10 du Code des assurances, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel en toutes ses dispositions. Il résulte de ces textes que le créancier bénéficiaire d’un nantissement de contrat d’assurance vie rachetable, qui peut provoquer le rachat, dispose d’un droit exclusif au paiement de la valeur de rachat, excluant ainsi tout concours avec les autres créanciers du souscripteur, même privilégiés.

 

Or, pour condamner l’assureur à verser au comptable public le montant visé par l’ATD, la cour d’appel a retenu que, s’agissant des contributions directes, le privilège du Trésor, bien que général, doit, en raison de son rang, s’exercer avant tout autre et primer le nantissement de la créance du souscripteur sur l’assureur au profit de la banque, quelle que soit la date à laquelle ce dernier a été constitué et que le comptable peut exercer immédiatement la faculté de rachat, aux lieu et place de la banque ou du souscripteur. En statuant ainsi, elle a violé les textes susvisés.

 

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