Mutations du travail et rémunérations sous l’influence du numérique

Franck MAES
Franck MAES

 

Résumé : Le besoin de descriptions réalistes du travail est à la fois juridique et managérial. La révolution numérique accentue le double défi de leur mise à jour et de leur « légitimité », car elle induit de nouvelles façons de travailler qui intéressent les rémunérations et les risques « psycho sociaux » (harcèlement, stress…). Seules des descriptions écrites assez brèves, et cohérentes avec les exigences du travail, permettent de vrais accords. Sans elles, peu de comportements performants, surtout de la part de la génération Y. Cela est d’autant plus nécessaire que, quand les comportements attendus sont clairement décrits, il devient possible d’évaluer les compétences en termes de clairvoyance et d’imagination (CA Versailles 2/10/2012[1]). Comment élaborer de tels écrits ? Une approche innovante, fruit de nombreuses missions, permet de faire face à ces enjeux.

 

De nouvelles façons de travailler deviennent nécessaires 

  • Dirigeants, managers, obtenez vous tout le travail que vous rémunérez ?
  • Collaborateurs, recevez vous toute la rémunération de votre travail réel ?

Le travail change sous l’effet de multiples facteurs, économiques, technologiques, psycho sociologiques… Sont attendues des personnes formées, flexibles, motivées, mais celles-ci demandent une meilleure qualité de la vie au travail, un équilibre entre vie professionnelle et privée…

Le numérique, à la fois outils et usages, contribue à ces changements. Il conjugue des innovations technologiques et organisationnelles : TIC[2], transversalité, mobilités, réseaux sociaux, clients connectés, travail à distance… Il y a deux types d’effets : créer et vendre de nouveaux produits et services, mais aussi modifier les façons concrètes de faire et de coopérer. On parle de « travail collaboratif », des logiciels aident voire contraignent la coordination des fonctions et métiers impliqués dans les processus.

Cela remet en cause certains compromis ou consensus, plus ou moins formels, qui s’étaient faits sur les manières de définir, répartir et rémunérer le travail. Ces anciens équilibres perdant de leur forces, les rapports de travail, verticaux et horizontaux, se juridicisent un peu plus. Même quand il n’y a pas de conflit, ou pour le prévenir et être prêt en cas de besoin, il est précieux de disposer d’écrits à jour.

 

Les descriptions doivent être à jour, cohérentes avec le travail réel

Schématisons : dans une société de Droit la réalisation d’un travail est peu probable sans un accord sur ce qui est à faire. Compte tenu des évolutions actuelles un tel accord est de moins en moins possible sans une description écrite qui soit cohérente avec les outils et usages réels, même et surtout si elle est brève.

En outre, la viabilité d’un tel accord suppose en général que la rémunération soit estimée juste. C’est en partie une affaire de relation et de perception, mais cela devient de moins en moins subjectif avec les flux numériques, qui permettent de préciser les volumes, complexités et temps d’activités.

Il y a risque quand la réalité de ce qui est à faire n’apparait pas assez, ou pas clairement, dans les descriptifs de poste ou de fonctions. Pour l’éviter il faut partir des façons concrètes de travailler, caractériser les compétences vraiment « utiles ». Mais cela suppose des représentations partagées, des échanges sur les découpages à faire, parfois même les mots à employer…

 

Un défi accentué par les outils et usages numériques

Certaines façons de travailler dépendent de technologies et de processus qui n’existaient pas lorsqu’on a conçu et attribué les activités. Qu’en est-il réellement des taches, fonctions, responsabilités, objectifs ? Sans parler des « délégations », dont les conditions juridiques sont connues (autorité, compétences, moyens). Les accès, les modes opératoires requièrent des habilitations, des « droits », sont traçables. De facto les personnes interagissent dans le cadre de systèmes d’information qui modifient non seulement le contenu du travail, mais aussi les relations qu’il nécessite.

Les règles de rémunération doivent être cohérentes avec les façons, plus ou moins collectives, de travailler. Par exemple, concernant les suppléments variables de rémunération, la cour de Cassation a dit que l’attribution d’un avantage à certains salariés ne peut se faire que selon des règles préalablement définies et contrôlables par ceux qui, placés dans une situation identique, pourraient en bénéficier (Cass.soc. 10 décembre 2008).

De plus en plus, les dirigeants ont donc à expliciter le « comment » ils rémunèrent le travail, et dans certains cas à s’engager sur des modalités particulières, qui doivent être communiquées à une autorité extérieure. C’est le moyen de garantir un sérieux, une rationalité qui permettront de lever des fonds, d’augmenter la confiance…

Mais rédiger ce « comment » suppose d’être solide sur les termes du « ce qui » est demandé, à qui et selon quelles répartitions ? Il ne faut surtout pas trop de détails, cependant utiliser les bons mots, en phase avec les domaines et métiers.

 

Comment élaborer de tels écrits ? Une approche innovante qui conjugue juridique et management

Ces écrits doivent tenir compte des modalités réelles du travail, plus ou moins lié à des processus, des normes et des outils. Mais ils doivent aussi être « légitimes », c’est-à-dire intégrer une certaine concertation, dont le juste niveau est une question clef. Selon la culture et les normes existantes, cette concertation peut être minimum, formelle, ou objet de diverses étapes qui demandent du temps. Le bon aboutissement dépend beaucoup de la qualité des « pré messages »

En partant d’une analyse systémique (modèle économique, gouvernance, culture…) il est possible de clarifier et de préconiser un niveau souhaitable, en aidant à élaborer précisément les pré messages à diffuser, les cibles et les moments opportuns.

Le cœur de cette approche, développée au travers de nombreuses missions, consiste à cerner et améliorer les rapports entre les activités à réaliser, les fonctions confiées et les personnes & équipes concernées. Ces rapports varient selon les entreprises et les moments. Ils sont rarement conscients et il y a même parfois une certaine confusion, tant il est habituel (et semble plus commode) de traiter séparément des dossiers tels que la Gpec[3], la rémunération, l’évaluation des performances, la formation… Or ce sont les fonctions qui sont objet de description, et parfois de « cotation » au moyen de critères, et non les personnes. Dans les faits, celles ci agissent (aidées mais aussi contraintes par des TIC) selon diverses conditions, qui donnent lieu à des « situations » de travail.

Le Management connait bien ces enjeux, qui croisent des aspects psychologiques, sociologiques, organisationnels… Cependant la finalité est ici de faire un lien opérationnel avec la dimension juridique, et notamment la validité des accords (qui ne sont pas des « pactes managériaux »), et la rémunération.

Cette approche spécifique, comportant 3 axes, audit, ingénierie et démarche pédagogique, permet d’aider les entreprises, en s’ajustant à leurs intentions stratégiques, et aux pratiques et écrits déjà en place. Des précisions pourront être apportées aux lecteurs intéressés.

 

Franck MAES
Conseil en RH “2.0”, spécialisé en Gpec et nouvelles organisations
Enseignant en grandes écoles (HEC, EDHEC) 
 
 


[1] Liaisons sociales quotidien n° 162011

[2] Technologies de l’information et de la communication

[3] Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences

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