Une marque contenant un terme relatif à une provenance géographique utilisée par le passé qui est ensuite enregistrée et utilisée pour des produits qui n’ont plus cette provenance est susceptible d’induire les consommateurs en erreur quant à la provenance géographique de ces produits.
Source: Trib UE (sixième chambre élargie) 29 juin 2022 n° T306/20
Une société de droit espagnol se fournissait en beurre auprès d’une coopérative irlandaise et le proposait à la commercialisation sur le marché local situé aux Iles Canaries.
En 2014 et bien que la relation commerciale s’était interrompue, elle a déposé auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) une marque figurative dénommée « La Irlandesa 1943 » couvrant la commercialisation de produits alimentaires.
L’Irlande et la coopérative irlandaise ont présenté à l’EUIPO une demande en nullité de cette marque au motif qu’elle avait un caractère trompeur et que son enregistrement avait été demandé de mauvaise foi.
L’EUIPO ayant rejeté cette demande, un recours a été formé et a abouti à la réformation de cette décision, au motif que cette marque était de nature à tromper le public sur la provenance géographique des produits en cause et que son enregistrement avait été demandé de mauvaise foi.
Introduisant un recours devant le Tribunal de l’Union européenne, celui-ci le rejette en considérant que si la marque contestée n’était pas trompeuse au moment de la demande d’enregistrement, le déposant avait en revanche fait preuve de mauvaise foi lors de cette demande (arrêt du 29 juin 2022 (affaire T-306/20).
À cette occasion, il apporte des précisions concernant les conditions d’application des notions de « marque trompeuse » et de « mauvaise foi du demandeur » dans le contexte des marques indiquant une provenance géographique des produits.
En premier lieu, le Tribunal souligne que la marque contestée apposée sur les produits en cause amènera les consommateurs à imaginer que ces produits proviennent d’Irlande.
Il rappelle ensuite que l’examen d’une demande en nullité fondée sur le caractère trompeur de la marque exige d’établir que le signe déposé aux fins de l’enregistrement en tant que marque était en lui-même de nature à tromper le consommateur au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, la gestion ultérieure dudit signe étant dépourvue de pertinence.
Or, dès lors que la liste des produits ne comportait aucune indication de leur provenance géographique et qu’elle pouvait donc couvrir des produits provenant d’Irlande, il n’existait pas, à la date de la demande, une telle contradiction, de sorte qu’il était exclu de constater que la marque contestée revêtait un caractère trompeur à cette date.
Ainsi, la marque contestée ne pouvant être considérée comme trompeuse à la date de la demande d’enregistrement, les preuves ultérieures, qui ne concernaient pas la situation à la date de la demande, ne pouvaient pas confirmer un tel caractère trompeur.
En revanche, s’agissant de la mauvaise foi du déposant au moment de la demande, le Tribunal relève qu’il est permis de se fonder sur les usages de la marque postérieurs à la date du dépôt.
Dans les faits, les produits vendus sous la marque contestée n’était pas d’origine irlandaise et ne correspondait donc pas à la perception que pouvait en avoir le consommateur.
Dans son arrêt, le Tribunal considère que si cette circonstance est dénuée de pertinence aux fins de l’examen du caractère trompeur de la marque, elle ne l’est pas aux fins de celui de la mauvaise foi du déposant.
En effet, les consommateurs hispanophones ayant été habitués pendant des décennies à l’apposition de la marque contestée sur du beurre provenant d’Irlande, ils pouvaient être induits en erreur quant à la provenance géographique de ces produits dès lors que le déposant avait étendu l’usage de la marque à des produits autres que le beurre d’origine irlandaise initialement commercialisé.
Ce faisant, le Tribunal en conclut que l’enregistrement de la marque contestée était contraire aux usages en matière industrielle et commerciale, de nature à confirmer la décision attaquée en ce qu’elle avait affirmé que si la marque contestée n’était pas trompeuse au moment de la demande d’enregistrement, la mauvaise foi devait être retenue, conduisant à son annulation.