Marché public et continuité du service public

Harald MIQUET
Harald MIQUET

Source :  CE, 29 mai 2019, 428628

 

1. Faits et procédure

 

Il ressort des pièces du dossier que l’université de Rennes 1 a conclu le 1er juin 2015 avec la société Complétel un marché d’une durée ferme d’un an, reconductible tacitement trois fois, destiné à assurer la fourniture de services d’adduction à un réseau en très haut débit entre plusieurs sites répartis en Bretagne, dont celui de la station biologique de Paimpont, et le campus de Beaulieu à Rennes où se trouvent les serveurs de l’université.

 

S’agissant du site de Paimpont, il était prévu par l’acte d’engagement que le site devait être raccordé avec un débit de 80 Mbit/s nominal ” service L2/L3 “, obtenu par voie de faisceau hertzien, lequel était, ainsi qu’il était mentionné dans le mémoire technique produit à l’appui de l’offre de la société Complétel, fourni à cette société par la société Altitude Infrastructure.

 

Alors que le marché, reconduit pour la troisième fois consécutive, devait expirer le 7 juin 2019, une rupture du faisceau hertzien est intervenue le 24 janvier 2019 après que la société Altitude infrastructure a cessé l’exploitation de la technologie de raccordement par faisceau hertzien mise en place sur le site de Paimpont.

 

Afin de maintenir la liaison entre la station biologique de Paimpont et le campus de Beaulieu, la société Complétel a proposé de substituer à la liaison par faisceau hertzien un service reposant sur la technologie 4G. Cette solution, d’abord refusée par les services de l’université, a finalement été acceptée à la suite d’un aménagement pris en charge par la société Complétel. Cependant, après l’intervention de la coupure de la liaison hertzienne le 24 janvier 2019, l’université a constaté, en dépit de la solution de substitution mise en place par la société Complétel, l’extrême faiblesse du débit entre les deux sites et, par une nouvelle mise en demeure, a exigé de son cocontractant qu’il satisfasse à ses obligations contractuelles en matière de débit. Celle-ci étant restée infructueuse, l’université de Rennes 1 a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, afin qu’il ordonne, sous astreinte, à la société Complétel qu’elle rétablisse, dans un délai de huit jours, le réseau hertzien ou mette en oeuvre toute autre technologie permettant de rétablir une connexion d’un débit de 80 Mbits/s pour la station biologique de Paimpont.

 

C’est dans ces conditions que la société Complétel s’est pourvue en cassation contre l’ordonnance du 18 février 2019 par laquelle le juge des référés de ce tribunal a fait droit à la demande de l’université.

 

2. Focus sur les pouvoirs du juge des référés

 

Par un considérant de principe, le Conseil d’Etat rappelle que s’il n’appartient pas  au juge administratif d’intervenir dans l’exécution d’un marché public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l’administration, lorsque celle-ci dispose à l’égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l’exécution du contrat, il en va autrement quand l’administration ne peut user de moyens de contrainte à l’encontre de son cocontractant qu’en vertu d’une décision juridictionnelle.

 

En pareille hypothèse, le juge du contrat est en droit de prononcer, à l’encontre du cocontractant, une condamnation, éventuellement sous astreinte, à une obligation de faire.

 

En cas d’urgence, le juge des référés peut, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l’urgence, ne fasse obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. Les obligations du cocontractant doivent être appréciées en tenant compte, le cas échéant, de l’exercice par l’autorité administrative du pouvoir de modification unilatérale dont elle dispose en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs.

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