SOURCE : CAA LYON 20 décembre 2018, n° 17LY03359
I –
La tension née entre les sociétés de marchand de biens et l’Administration à l’occasion de la position adoptée par l’Administration dans une réponse ministérielle de 2016[1], toutes intégrées au BOFIP TVA[2], ainsi rédigées :
« Par dérogation, conformément à l’article 268 du CGI, s’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir ou d’une livraison d’immeubles bâtis achevés depuis plus 5 ans, lorsqu’elle a fait l’objet d’une option prévue au 5 bis de l’article 260 du CGI, la base d’imposition est constituée de la marge s’il est établi que l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction.
Il y a lieu de rechercher le régime d’imposition aux fins de déterminer la base d’imposition que pour les seules livraisons d’immeubles acquis et revendus, en gardant la même qualification, c’est-à-dire respectivement :
– De terrains à bâtir qui ont été acquis précédemment comme terrains n’ayant pas le caractère d’immeubles bâtis ;
– Ou d’immeubles achevés depuis plus 5 ans, qui ont été acquis précédemment en l’état d’immeubles déjà bâtis. »
II –
Le cas soumis à l’appréciation de la Cour Administrative d’Appel concernait une SARL de marchand de biens qui avait fait l’objet d’un rappel de TVA au titre de plusieurs opérations d’achats et de reventes réalisées entre 2009 et 2012.
Il s’agissait notamment d’opérations qui avaient porté sur l’acquisition d’un terrain, suivie d’une division, puis d’une revente après découpe en terrains à bâtir.
Une autre opération a consisté à acquérir un immeuble bâti ancien, puis après démolition et division, à le céder à des particuliers, 6 terrains à bâtir.
Dans les deux cas, la société a liquidé la TVA sur la marge en application de l’article 268 du CGI. L’Administration fiscale prétendait quant à elle au contraire, calculer la TVA sur le prix (cf. supra).
III –
La juridiction administrative censure l’Administration par un attendu qu’il convient de citer :
« Contrairement à ce que soutient le Ministre (cf. réponse ministérielle) en se prévalant de sa doctrine, laquelle ne saurait légalement fonder une imposition, la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession, est sans incidence sur l’application du régime de TVA sur la marge (…).
Par la suite, la SARL est fondée à soutenir sur les livraisons ne pouvaient être imposées sur le prix des terrains à bâtir cédés. »
IV –
Cette solution n’est pas nouvelle. Les juridictions administratives ont déjà statué en faveur du contribuable, en appliquant le principe de TVA sur la marge et non sur le prix, sur des opérations de démolitions/divisions[3].
Mais l’Administration avait dupliqué à l’envie ses réponses ministérielles (cf. note de bas de page), qui l’avait renforcée dans son analyse et ainsi généré de nouveaux contentieux, qui encore là été résolus en faveur du contribuable[4]. La décision commentée est la première à notre connaissance qui émane d’une juridiction du second degré. Il faut dès lors attendre la position du Conseil d’Etat, mais gageons que celle-ci soit conforme au principe de l’application d’une TVA sur la marge.
[1] Réponse Carré AN 30-8-2016, n° 91-143 ou réponse de la Raudière AN30-8-2016, n° 94-061 et enfin réponse Bussereau AN 20-9-2016, n° 96-679 et réponse Savary AN 20-9–2016, n° 94-538
[2] BOI-TVA-IMM-10-20-10 n° 20
[3] TA GRENOBLE 14/11/2016, n° 14033397
[4] TA MONTPELLIER 04/12/2017, n° 1602770 ou TA POITIERS 04/04/2018, n° 1602053