Lorsque la cession à prix minoré est justifiée par une promesse de vente antérieure

Coralie MOREAU
Coralie MOREAU - Avocat

La cour administrative d’appel de Lyon s’est prononcée sur le cas d’une société ayant cédé des titres à un prix nettement inférieur à leur valeur vénale, en exécution d’une promesse de vente consentie plusieurs années auparavant. À cette occasion, la juridiction a indiqué qu’il était possible d’échapper à la qualification d’acte anormal de gestion.

Cour administrative d’appel de Lyon, 5ème chambre, 13/08/2025, 24LY02635

Pour rappel, le bénéfice imposable d’une entreprise est celui qui résulte des opérations faites dans le cadre d’une gestion normale. Ainsi, une opération qui ne correspondrait pas à une gestion normale dès lors que l’entreprise s’appauvrit à des fins étrangères à son propre intérêt est qualifiée d’acte anormal de gestion.

Ainsi, si l’administration fiscale démontre l’existence d’une libéralité, elle peut redresser le contribuable en qualifiant l’opération d’acte anormal de gestion. Le contribuable a toujours la possibilité d’apporter la preuve que l’appauvrissement a été décidé dans l’intérêt de l’entreprise dès lors qu’il existe une contrepartie.

En l’espèce, la société A a cédé des titres d’une filiale à la société B pour un prix unitaire très inférieur à la valeur vénale estimée par l’administration fiscale. Considérant qu’il s’agissait d’un acte anormal de gestion, l’administration fiscale a réintégré la différence dans le résultat imposable de la société A.

Le contribuable a saisi le tribunal administratif du litige qui lui a donné raison en prononçant la décharge des impositions supplémentaires.

Le ministre a fait appel de la décision.

La cour administrative d’appel rappelle que le prix de cession d’un actif doit normalement refléter sa valeur vénale, sauf si la société peut justifier d’un intérêt propre à céder à un prix inférieur ou d’une contrepartie suffisante.

Elle vient préciser que lorsque la cession s’effectue en exécution d’une promesse de vente consentie antérieurement, l’appréciation du caractère normal ou anormal de la gestion doit s’effectuer au regard de la situation et des informations disponibles à la date de la promesse, et non à la date de la cession effective.

En l’espèce, la promesse avait été consentie en 2011 au directeur général de la filiale en vue de l’intéresser au redressement de la société, à un prix négocié sur la base de deux évaluations indépendantes. La société A justifiait ainsi d’un intérêt propre à consentir cette promesse, l’amélioration de la situation de la filiale demeurant incertaine à l’époque.

Dans ce cas, l’administration fiscale doit ainsi démontrer qu’à la date de la promesse, il était prévisible que la valeur des titres serait supérieure ou que la société ne retirait pas de contrepartie suffisante. En l’absence d’élément remettant en cause l’intérêt pour la société de cette opération, la qualification d’acte anormal de gestion n’est pas retenue.

Cet arrêt consacre la possibilité, pour une société, d’écarter la qualification d’acte anormal de gestion en démontrant que la décision initiale était justifiée au regard des circonstances et des contreparties attendues, même si la plus-value d’une amélioration ultérieure ne lui profite finalement pas.

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