Source : Cass Sociale 19 janvier 2022 n° 20-19742
Engagé en qualité d’aide conducteur de travaux et devenu chef d’équipe, un salarié est licencié pour faute grave pour avoir manqué à ses obligations découlant de son contrat de travail .
Le salarié a provoqué un accident alors qu’il était en état d’ivresse au volant de son véhicule de fonction sur le trajet de retour à son domicile, après avoir assisté à un salon professionnel.
La matérialité des faits n’était pas contestée.
Le salarié saisit le Conseil des Prud’hommes considérant que les faits se rattachent à sa vie privée de sorte que l’employeur ne pouvait procéder à son licenciement.
Il est débouté, la Cour d’Appel considérant qu’il avait agi sur instruction de son employeur en se rendant au salon professionnel et que l’accident qu’il avait provoqué sur le trajet du retour à son domicile, sous l’empire d’un état alcoolique, en outre avec le véhicule de l’entreprise, constituait un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail.
Le salarié saisit la Cour de Cassation ; Il avance qu’un motif tiré de sa vie personnelle ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf à constituer un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Il soutient que commettre une infraction dans le cadre de sa vie personnelle ne constitue pas un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail.
Il ajoute que fait que le véhicule ait été un véhicule de fonction ne suffit pas à conférer à l’accident un caractère professionnel et souligne que le trajet de retour à son domicile à une heure tardive et alors qu’il n’était pas rémunéré à ce titre, ressort de sa vie personnelle ; il n’était plus sous la subordination de l’employeur.
La Cour de Cassation rejette son pourvoi : les faits se rattachent à sa vie professionnelle de sorte que son licenciement pour faute est justifié.
Les faits sont-ils exclusivement liés à la vie personnelle du salarié ou se rattachent-t-ils à la vie professionnelle ?
Le déterminer est essentiel car les faits relevant de la vie personnelle du salarié ne peuvent motiver un licenciement pour motif disciplinaire
Ce principe souffre des exceptions :
Il a été régulièrement jugé qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail[1].
Le licenciement peut être admis lorsque le comportement incriminé a créé un trouble caractérisé dans l’entreprise : toutefois un licenciement pour motif disciplinaire est exclu dans cette hypothèse.
Si les faits se rattachent à la vie professionnelle, le licenciement disciplinaire peut être justifié.
Les faits ont pu se dérouler en dehors du temps de travail et en dehors de l’entreprise : ils ont toutefois un lien direct avec la vie professionnelle, qu’il s’agisse des personnes en présence, des faits constatés , du comportement du salarié qui a un retentissement sur la vie de l’entreprise.
Ainsi, des insultes et des menaces au cours d’une altercation intervenue sur la voie publique devant plusieurs membres du personnel et visant le comportement et les compétences d’un autre salarié de l’entreprise sont sanctionnables : elles sont jugées en tant que rattachables à la vie professionnelle[2]
Les faits de menaces, insultes et comportements agressifs commis à l’occasion d’un séjour organisé par l’employeur dans le but de récompenser les salariés se rattachaient à la vie de l’entreprise et peuvent ainsi justifier une sanction disciplinaire[3].
Les faits de vol reprochés à un salarié d’une compagnie aérienne qui avait subtilisé le portefeuille d’un client de l’hôtel où il séjournait à l’occasion d’une escale, l’hôtel étant payé par son employeur ont été considérés comme se rattachant à la vie professionnelle et ont justifié son licenciement pour faute grave.[4]
Le rattachement à la vie professionnelle n’est-t-il cependant pas une autre façon de dénommer le licenciement pour trouble caractérisé dans l’entreprise et de permettre à l’employeur à cette occasion de justifier un licenciement disciplinaire ?
[1] Cass. soc. 3-5-2011 n° 09-67.464 FS-PB
[2] .
Cass Soc 16 sept. 2015, no 14-16.376
[3] Cass. soc., 8 oct. 2014, n° 13-16.793
[4] Cass Soc 8 juillet 2020 n° 18-18317