SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 18 mai 2022, n°20-18.717 (F-D, Cassation).
Un salarié a été engagé par une société de distribution d’instruments et d’équipements électroniques et de télécommunications pour la mesure et le contrôle des fluides par un contrat en date du 7 septembre 1984 en qualité d’agent technico-commercial.
Ses fonctions ont ensuite évolué dans l’entreprise jusqu’à ce qu’il soit nommé directeur général de la société à compter du 27 décembre 2005. le 18 avril 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 mai 2016 et il a été mis à pied à titre conservatoire à compter du même jour.
Pendant entre la notification de la mise à pied et l’entretien préalable le salarié va effectuer un déplacement professionnel à l’étranger de même entre l’entretien préalable et la notification de son licenciement il va adresser des mails aux partenaires des sociétés et établir une procuration en sa qualité de directeur général.
Il va être licencié par courrier adressé le 24 mai 2016, la société lui notifiant son licenciement pour faute grave au motif qu’il avait accepté la présidence d’une société concurrente et qu’il avait fait travailler des salariés pour cette société concurrente.
Le salarié va saisir le Conseil de prud’hommes afin de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir des rappels de salaires et d’indemnités.
S’il va être débouté par les premiers juges, toutefois, la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 17 juin 2020, va considérer le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Soulignant que le salarié avait retravaillé nonobstant la mise à pied disciplinaire qui lui avait été notifiée par l’employeur, la Cour d’appel déduit de la reprise du travail et du licenciement a été prononcé pour des faits similaires à ceux ayant motivé la mise à pied, que la mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire, de sorte qu’en vertu du principe « non bis in idem » le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en cassation.
À l’appui de son pourvoi, il reproche à l’arrêt d’appel d’avoir considéré le licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l’avoir condamné au paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaires et d’indemnités, arguant que la mise à pied à effet immédiat, lorsque les agissements du salarié la rendent indispensables, présente à caractère conservatoire et non disciplinaire dès lors qu’elle est immédiatement suivie de l’ouverture d’une procédure de licenciement. Dès lors, le fait que le salarié reprenne le travail postérieurement à la notification de la mise à pied conservatoire n’a pas pour effet de la requalifier en mise à pied disciplinaire, la mise à pied conservatoire ne présentant pas la nature d’une sanction et n’ayant pas pour effet d’épuiser le pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Bien lui en prit, puisque la Cour de cassation, énonçant que la mise à pied prononcée par l’employeur dans l’attente de sa décision dans la procédure de licenciement engagée dans le même temps, a un caractère conservatoire et que le fait pour l’employeur de renoncer à la mise à pied conservatoire en demandant au salarié de reprendre le travail n’a pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire.
Par suite, la Chambre sociale de la Haute Cour casse et annule l’arrêt d’appel en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.