SOURCE : Arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 5 mai 2021, n°19-25.699
Traditionnellement, le salarié est soumis au respect des consignes de son employeur en vertu du lien de subordination inhérent au contrat de travail.
Ces consignes peuvent être verbales ou écrites, dès lors qu’elles sont consignées dans le règlement intérieur de l’entreprise.
Il est admis qu’à défaut de respect des directives de l’employeur, le salarié s’expose à une sanction disciplinaire pouvant selon la gravité du manquement conduire à la rupture de son contrat de travail.
Si le Code du travail a entendu limiter le contenu du règlement intérieur[1], il est admis que les notes de services ou tout autre document comportant des obligations générales dans les matières visées par le règlement intérieur (hygiène et sécurité, discipline…) soient considérées comme des adjonctions à celui-ci et donc opposables aux salariés.
Toutefois, l’employeur n’est pas cantonné à ces sujets et peut créer, en vertu de son pouvoir de direction[2], d’autres règles dans l’entreprise qui s’ajouteront au code du travail, au règlement intérieur et aux accords collectifs.
L’émergence de la Responsabilité Sociétale des entreprises et de la fonction compliance conduit à transformer l’entreprise en un cadre normatif autonome, qui produit ses propres normes appelées Soft Law[3] (charte d’éthique, guide des bonnes pratiques, code de déontologie, etc…).
Il est nécessaire de s’interroger sur le caractère contraignant de cette nouvelle réglementation afin d’en appréhender les conséquences.
Le secteur bancaire et les établissements financiers sont particulièrement concernés par ces normes, afin d’éviter tout conflit d’intérêt ou abus.
Dans l’arrêt commenté, l’employeur avait en application des dispositions de l’article L 533-10 du Code monétaire et financier, édicté un code de déontologie dont les termes prévoient, pour chaque salarié effectuant une transaction personnelle, à procéder à une déclaration et signer une attestation.
Le salarié avait refusé à plusieurs reprises et pendant 6 mois d’appliquer le protocole en vigueur.
L’employeur constatant l’insubordination et le non-respect par le salarié de ses obligations professionnelles lui notifiera son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le salarié licencié contestera son licenciement au motif que la sanction était fondée sur un code de déontologie qui ne lui était pas opposable dans la mesure où il n’était pas intégré au règlement intérieur de l’entreprise.
En effet, si l’employeur avait soumis ce code de déontologie à l’avis du CE et du CHSCT, puis l’avait transmis à l’inspection du travail et déposé puis publié dans l’entreprise et au greffe de Conseil de prud’hommes, le salarié soutenait que seul le règlement intérieur pouvait lui être opposé afin d’être sanctionné.
Or ce code n’ayant pas intégré le règlement intérieur ne pouvait avoir une valeur contraignante.
La Cour de cassation va se prononcer pour la première fois sur l’opposabilité aux salariés d’une Soft Law.
En effet, la Chambre sociale considère que le code de déontologie soumis à la procédure légale applicable à la mise en place d’un règlement intérieur, avant d’être imposé aux salariés, doit être considéré au même titre que les notes de services comme une adjonction au règlement intérieur.
Il importe peut que le code ne soit pas intégré au règlement intérieur.
Par conséquent, l’employeur pouvait se prévaloir à la date de l’entrée en vigueur du code de déontologie, de tout manquement du salarié pour le sanctionner.
De même, la modification ultérieure dudit règlement n’a aucune conséquence sur l’opposabilité du code de déontologie aux salariés.
Par cette première décision, le Cour de cassation pose un cadre, précisant que c’est la forme qui donnera de la valeur au fond.
[1] Articles L 1321-1 et -2 du Code du travail
[2] Il est responsable de l’organisation, de la gestion et de la marche générale de l’entreprise
[3] Droit mou ou souple