Source : Conseil d’Etat, section, 13/03/2020, Publié au recueil Lebon
L’administration fiscale commente et interprète la législation fiscale en vigueur dans le Bulletin Officiel des Finances Publiques (BOFIP). Cela constitue sa doctrine administrative sur laquelle se base les agents pour procéder au contrôle et à la régularisation de la situation des contribuables.
Il est possible de contester cette doctrine devant les juridictions administratives par le biais d’un recours pour excès de pouvoir.
Un tel recours doit être formé dans un délai de 2 mois à compter de la publication de l’acte faisant grief mais en matière fiscale la jurisprudence n’imposait aucun délai spécifique au contribuable, considérant que seule la publication au journal officiel faisait courir le délai de 2 mois. Or les commentaires de l’administration fiscale ne sont publiés qu’au BOFIP.
Le Conseil d’Etat modifie cette position en distinguant néanmoins les délais applicables antérieurement au 1er janvier 2019 et les règles applicable postérieurement à cette date.
Délais applicables antérieurement au 1er janvier 2019
Le Conseil d’Etat juge que « la publication d’une décision administrative dans un recueil autre que le Journal officiel fait courir le délai du recours contentieux à l’égard de tous les tiers si l’obligation de publier cette décision dans ce recueil résulte d’un texte législatif ou réglementaire lui-même publié au Journal officiel de la République française. Par suite, le délai réglementaire dont un contribuable dispose pour former un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de tout commentaire par lequel l’autorité compétente prescrit l’interprétation de la loi fiscale, lorsque celui-ci a été inséré au BOFiP-impôts et mis en ligne sur un site internet accessible depuis l’adresse www.impots.gouv.fr entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018, commence à courir au jour de cette mise en ligne ».
Le contribuable a donc un délai de 2 mois à compter de la mise en ligne du BOFIP pour contester l’instruction faisant grief.
Le Conseil d’Etat tempère néanmoins cette nouvelle position, normalement immédiatement applicable, dès lors que, revenant sur une jurisprudence constante, elle est de nature à porter atteinte au droit au recours en jugeant qu’elle « ne saurait, par conséquent, fonder le rejet pour irrecevabilité [pour tardiveté] d’un recours formé contre un commentaire publié entre le 10 septembre 2012 et le 31 décembre 2018 et présenté avant l’expiration d’un délai de deux mois suivant la date de lecture de la présente décision » soit jusqu’au 13 mai 2020.
Délais applicables postérieurement au 1er janvier 2019
De la même façon, le Conseil d’Etat juge que c’est la mise en ligne sur le site « bofip.impôts.gouv.fr » à compter du 1ere janvier 2019 qui fait courir le délai de 2 mois pour contester l’instruction faisant grief.
Dans ce cas, elle ne prévoit pas de tempérament dès lors cette règle de forclusion « qui se borne à tirer les conséquences de dispositions légales et réglementaires antérieures aux commentaires administratifs à l’égard desquels elle s’applique [articles R 312-8 et R 312-9 du code des relations entre le public et l’administration], et qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence, ne porte pas rétroactivement atteinte au droit au recours. Rien ne fait obstacle, dès lors, à ce que le juge administratif en fasse application à tout litige intéressant des commentaires administratifs mis en ligne, dans les conditions décrites plus haut, à compter du 1er janvier 2019, quelle que soit la date à laquelle il en est saisi ».
Le délai de 2 mois est évidemment très court pour contester une instruction de l’administration fiscale. Si ce délai est expiré, il est toujours possible de demander au ministre l’abrogation des dispositions contestée puis de former un recours pour excès de pouvoir contre la décision (implicite ou explicite) de refus qui serait opposé dans le délai de 2 mois à compter de cette décision.