L’enjeu de la détermination de l’activité principale et accessoire dans la signature de la convention annuelle ou pluriannuelle écrite imposée par les articles L. 441-3 et l. 441-4 du Code de commerce

Victoria GODEFROOD BERRA
Victoria GODEFROOD BERRA

Source : Commission d’Examen des Pratiques Commerciales, Avis n°19-10, 19 septembre 2019

 

I – CONSULTATION DE LA COMMISSION D’EXAMEN DES PRATIQUES COMMERCIALES (CEPC)

 

I – 1. Rôle et missions

 

La CEPC est une instance consultative dont l’objet est de veiller à l’équilibre des relations entre producteurs, fournisseurs et revendeurs au regard de la législation en vigueur.

 

Concernant ses missions, la CEPC examine les documents commerciaux ou publicitaires, les contrats entre revendeurs et fournisseurs et toutes pratiques susceptibles d’être regardées comme abusives dans la relation commerciale.

 

De manière plus précise, elle (i) rend des avis concernant notamment la conformité au droit de la pratique ou du document dont elle est saisie et (ii) émet des recommandations d’ordre plus général, concernant notamment le développement de bonnes pratiques, dans une vision constructive de la vie commerciale.

 

I – 2. Pouvoirs

 

La CEPC peut entendre les personnes et fonctionnaires qu’elle juge utile à l’accomplissement de sa mission.

 

Le Président de la CEPC peut demander qu’une enquête soit effectuée par les agents habilités et notamment ceux de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) et les rapporteurs de l’Autorité De La Concurrence (ADLC)[1].

 

Les membres de la CEPC sont soumis au secret professionnel ; les documents soumis pour la consultation doivent être anonymisés de sorte) ne pas permettre l’identification des personnes concernées.

 

La CEPC peut décider de publier les avis qu’elle adopte[2] étant précisé que lors de la saisine, préalablement, le demandeur peut solliciter l’absence de publication de l’avis pour des motifs légitimes.

 

I – 3 Saisine

 

Peuvent saisir la CEPC, le ministre chargé de l’économie, le ministre chargé du secteur économique concerné, le président de l’ADLC ou toute personne morale (notamment les organisations professionnelles ou syndicales, les associations de consommateurs agréées, les chambres consulaires ou d’agriculture, le médiateur des relations commerciales agricoles) ou encore tout producteur, fournisseur ou revendeur s’estimant lésé par une pratique commerciale.

 

La CEPC peut également se saisir elle-même.

 

Attention, la CEPC ne peut pas être saisie anonymement que cela soit de manière directe ou par l’intermédiaire d’un avocat, à peine d’irrecevabilité.

 

Un avis est rendu dans un délai maximal de quatre mois à compter de sa saisine.

 

Il est important de noter que s’il est sursis à toute décision sur le fond de l’affaire jusqu’à réception de l’avis ou à défaut, jusqu’à l’expiration du délai de quatre mois, l’avis rendu par la CEPC ne lie pas la juridiction devant laquelle le litige est pendant.

 

Le formalisme de la saisine de la CEPC est assez souple : par lettre simple ou par courriel adressé à son Président, les coordonnées de l’auteur de la saisine devant y être mentionnées, l’anonymat de ce dernier étant assuré par ce destinataire.

 

Sur le fond, l’objet de la demande d’avis peut être accompagné de tous les documents de nature à expliciter celle-ci. Le texte ou les textes dont la violation est alléguée doivent être explicitement mentionné(s) dans la saisine.

 

II – QUESTION POSEE EN L’ESPECE

 

La question qui a fait l’objet d’un avis a été posée par un cabinet d’avocats pour le compte de son client dont l’identité est transmise à la CEPC qui a accordé l’anonymat de ce dernier.

 

Question : les dispositions de l’article L. 441-7 du Code de commerce (relatives aux contrats écrits annuels ou pluriannuels signés entre les fournisseurs et les distributeurs ou les prestataires de service) ont-elles vocation à s’appliquer dans le cadre d’une relation commerciale entre d’une part, un exploitant de complexes cinématographiques et d’autre part, certains de ses fournisseurs, grossistes et fabricants de produits alimentaires et boissons.

 

En d’autres termes, en partant du postulat que la revente de produits alimentaires en l’état (boissons en bouteilles, friandises conditionnées en sachets, glaces, etc.) serait une activité accessoire d’une prestation de service globale rendue aux clients, la CEPC était consultée pour savoir si les entreprises exploitant des complexes cinématographiques devaient ou non être qualifiées de « distributeurs » ou de « prestataires de services » au sens des dispositions de l’article L. 441-7 du Code de commerce.

 

III – AVIS RENDU

 

L’avis rendu par la CEPC est articulé en deux temps. Ainsi, après avoir rappelé que les dispositions de l’article L. 441-7 du Code de commerce ont été modifiées par l’Ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, la Commission tranche la question et énonce que « la revente de produits alimentaires et de boissons en l’état au sein des complexes cinématographiques par les exploitants de ceux-ci doit constituer une activité accessoire à l’activité principale ».

 

Pour motiver sa consultation, la CEPC commence par rappeler que l’activité principale des exploitants de complexes cinématographiques est la vente de prestations de service à savoir, le visionnage de films dans une salle spécialement aménagée.

 

Elle en déduit que la vente de prestations de restauration et de produits alimentaires ou boissons en l’état au sein des cinémas par leurs exploitants constitue en principe une activité accessoire à cette activité principale, étant rappelé que cette prestation accessoire est proposée à la clientèle du cinéma en question (achat d’une place de cinéma).

 

Il ressort de cette analyse que « dès lors que les ventes de produits alimentaires et de boissons se déroulent dans les conditions mentionnées ci-dessus, les exploitants de complexes cinématographiques ne sauraient être qualifiés de distributeurs ou de prestataires de services au sens des articles L. 4413 et L. 441-4 du code de commerce et n’ont donc pas à établir une convention annuelle ou pluriannuelle avec leurs fournisseurs de produits alimentaires ou de boissons, même dans le cas où ceux-ci sont revendus en l’état dans leurs établissements ».

 

Et la CEPC de conclure en précisant que cette position ne vaut pas pour les cas où la vente de prestations de restauration et de produits alimentaires ou boissons en l’état serait effectuée au sein de ce complexe cinématographique par un tiers.     

 

L’enjeu de la rédaction et signature de la convention annuelle réside donc pour un exploitant dans la détermination de son activité principale et de son ou ses activités accessoires.

 

[1] Article L.450-1 du Code de commerce

 

[2] Les recommandations et les avis peuvent être publiés sur le site internet de la CEPC et au Bulletin Officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (BOCCRF)

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