Le préavis n’obéit pas aux règles de computation des délais du code de procédure civile … même en droit des baux commerciaux

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

  

SOURCE : 3ème civ, 8 mars 2018 n°17-11.312, F-P+B+I

 

« Lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir » (article 640 du CPC), mais si le délai imparti pour réaliser la formalité expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé il est, en vertu de l’article 642 du CPC, prorogé « au premier jour ouvrable suivant ».

 

L’article 642 du CPC permet ainsi au débiteur de l’exécution d’une formalité de bénéficier pleinement des délais qui lui sont offerts, lesquels ne sauraient être artificiellement raccourcis en raison de l’impossibilité d’exécuter la formalité le dernier jour du délai. Cela suppose corrélativement qu’une formalité doive être réalisée le dernier jour du délai.

 

C’est dans ce contexte que la Cour de cassation estime que le report de délai de l’article 642 du CPC ne s’applique pas dans le cadre du respect d’un délai de préavis. Par exemple :

 

Pour la chambre sociale, que le délai de préavis de grève déposé cinq jours avant un jour férié est valable, « la durée du préavis de grève n’est pas prescrite en vue de l’accomplissement d’un acte ou d’une formalité et qu’en conséquence elle n’est pas soumise aux dispositions de l’article 642 du code de procédure civile »[1] ;

 

Pour la deuxième civile de la Cour de cassation, la prorogation ne peut être invoquée pour réduire le délai d’échange de dires préalable à l’adjudication d’une saisie immobilière[2] ;

 

Le droit des baux commerciaux n’échappe pas au principe, et si la troisième chambre civile ne s’était à notre connaissance pas encore positionnée sur la question jusqu’à l’arrêt présentement commenté, la Cour d’appel de Paris, qui estime que la prorogation de délai de l’article  642 al 2 du CPC pour le cas où le jour d’expiration serait constitué par un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé, est inapplicable au congé[3], n’a jamais été contredite.

 

En effet, si la prolongation se justifie en matière de délai de procédure pour garantir au destinataire le respect de l’intégralité de son délai d’action, la prorogation est inadaptée et injustifiée pour un préavis de congé.

 

C’est pourquoi dans la présente affaire la Cour d’appel de RENNES avait considéré que le congé triennal, signifié au bailleur le 2 avril 2013, c’est-à-dire le premier jour ouvrable après le 29 mars en raison du lundi de Pâques, le 1er avril, n’avait pas pu mettre fin au bail au 30 septembre suivant, le délai de préavis de 6 mois n’étant pas respecté.

 

Le congé était donc délivré pour l’échéance suivante, le 30 septembre 2016.

 

Le pourvoi du preneur, qui conservait encore l’infime espoir d’échapper à trois nouvelles années de bail, est rejeté par la Cour de cassation, qui en profite pour faire un point sur les règles de computation des délais mensuels de préavis, sans que cela ne soit d’aucun effet sur l’issue du litige, en précisant que la date limite de délivrance du congé à effet au 30 septembre n’était pas le 30 mars mais le 31 mars.

 

En d’autres termes, la Cour enseigne que le délai de six mois doit être calculé au regard des dispositions de l’article 641 du CPC,

 

« lorsqu’un délai est exprimé en mois, ce délai expire le jour du dernier mois portant le même quantième que le jour de l’acte qui fait courir le délai, le délai expirant le dernier jour du mois à défaut de quantième identique »,

 

Mais en tenant compte, non pas du point de départ, mais de celui d’arrivée du délai. Plus clairement dit pour une date d’effet du congé :

 

– Au 29 septembre, l’acte doit être délivré le 29 mars au plus tard ;

Au 30 septembre, l’acte doit être délivré le 31 mars au plus tard;

– Au 28 février, l’acte doit être délivré au plus tard le 31 aout de l’année précédente, sauf s’il s’agit d’une année bissextile, auquel cas le congé devra être délivré le 28 aout…

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats


[1] Cass Soc, 30 mars 2010, 09-13.065, Publié au bulletin

[2] 2ème civ, 4 février 1998 – n° 96-13.391, 2ème civ, 14 février 1990 – n° 88-19.900

[3] CA Paris, 6e ch., sect. A, 9 mai 1995, n° 93-025190 : Loyers et copr. nov. 1995, n° 457, p. 4

 

 

 

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