Le congé n’est jamais un acte interruptif de prescription

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : 3ème civ, 9 juillet 2014, n°13-15643, FS – P+B

 

En l’espèce, un bailleur signifie le 28 juin 2006, un congé à son preneur à effet au 10 janvier 2007, portant offre de renouvellement, sans précision concernant le loyer. Le 14 décembre 2007, le bailleur a signifié un nouveau congé, annulant et remplaçant le précédent, contenant offre de renouvellement pour un loyer déplafonné, puis notifie son mémoire préalable à la saisine du Juge des loyers le 7 octobre 2009.

 

Le preneur a pris l’initiative d’assigner le bailleur pour voir constater que le bail s’était renouvelé aux clauses et conditions initiales, y compris de loyer. A l’appui de ses prétentions, il soutient que la date d’effet du premier congé est erronée, puisque le congé devait être donné pour le 1er janvier 2007, conformément aux usages locaux. Par conséquent, le bail n’ayant duré que 12 ans, les dispositions relatives au plafonnement sont applicables.

 

Il ajoute que le second congé ne peut produire aucun effet, et encourt la nullité.

 

Enfin, il excipe de la prescription de la demande du bailleur, qui aurait du être introduite, conformément à l’article L145-60 du Code de commerce, dans les 2 ans de la date d’effet[1] du premier congé, soit le 1er janvier 2009.

 

Le bailleur défend la validité de son second congé, en concluant que l’acte a été délivré en vue de proposer un montant de loyer de renouvellement, conformément aux dispositions des articles R145-1 du Code de commerce, lequel dispose que :

 

« Le bailleur qui n’a pas fait connaître le montant du loyer qu’il propose dans les conditions de l’article L. 145-11 peut demander une modification du prix du bail ultérieurement, par acte d’huissier de justice, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou dans le mémoire prévu à l’article R. 145-23 ».

 

Pour le Bailleur, cet acte est suspensif de prescription de sorte que sa demande reconventionnelle en fixation du loyer déplafonné est valable.

 

Pour la Cour d’appel de Caen,

 

La date d’effet du congé devait être le 1er janvier, conformément aux usages. Par conséquent, la durée du bail est de 12 ans, de sorte que les dispositions relatives au déplafonnement (L145-34 al 3) ne sont pas applicables[2]. Cependant, s’agissant de locaux à usage exclusif de bureau, le loyer de renouvellement est toujours fixé à la valeur locative (articles L 145-36 et R145-11) ;

 

Le congé subséquent n’est pas nul : il s’analyse en une signification du loyer postérieurement à la délivrance du congé, conformément à l’article L145-11 ;

 

La demande du bailleur n’est pas prescrite, puisque le second congé a interrompu la prescription biennale.

 

Si la Cour de cassation approuve la position des juges du fonds concernant les deux premiers moyens, elle casse l’arrêt en déclarant la demande prescrite. Pour la Haute juridiction, le congé n’est pas un acte interruptif de prescription.  

 

En effet, la signification d’un congé avec offre de renouvellement conduit au renouvellement du bail, même en cas de désaccord sur le montant du loyer[3], et l’acte ne peut être rétracté sans le consentement de son destinataire[4]. Assimilé à une demande de modification du prix du bail postérieur au congé, le congé peut donc être valable, mais il n’annule ni ne remplace le congé précédent, et ne fait pas partie des actes interruptifs de prescriptions tels que l’action en justice (art 2241 du Code civil) ou le mémoire préalable à la saisine du juge des loyers (article 33 du décret du 30 septembre 1953).

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] En ce sens : 3ème civ, 8 janvier 1997, n°95-12060, Bulletin 1997 III N° 7 p. 4

[2] 3ème civ, 21 décembre 1993, n°91-20119, Publié au Bulletin

[3] 3ème civ, 8 juillet 1980, n°79-11079, Bull civ III n°132 ; 3ème civ, 17 mars 1975, n°73-14311, Bull civ III n°104 P. 78

[4] 3ème civ, 27 juin 1984, n°83-12552, Publié au bulletin

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