L’associé cédant ses titres peut-il être considéré comme un créancier professionnel ?

Eléonore CATOIRE
Eléonore CATOIRE - Avocat

L’associé cédant qui cède ses parts sociales, et accorde un crédit vendeur au cessionnaire, peut-il être considéré comme un créancier professionnel au sens des dispositions du code de la consommation ?

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 21 juin 2023, 21-24.691, Publié au bulletin

Dans un précédent article Chronos, il avait déjà été établi que l’associé cédant n’agissait pas pour des besoins professionnels lorsqu’il revendiquait paiement du prix de ses parts sociales cédées (https://vivaldi-chronos.com/interet-legal-lassocie-cedant-nagit-pas-pour-des-besoins-professionnels-lorsquil-revendique-paiement-du-prix-de-ses-parts/ ).

En effet, les juges du Quai de l’Horloge avaient pris position dans un sens semblable à celui retenu par droit de la consommation, puisque l’article liminaire de son code définit justement une notion qui nous intéresse particulièrement, celle de professionnel :

« 3° Professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».

Ainsi donc, le professionnel est défini dans les deux cas, comme une personne agissant à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, ou agricole. A contrario, celle n’agissant pas dans ce cadre ne peut donc être considérée comme un professionnel.

Ainsi, l’ancien associé qui entendait obtenir paiement de ses parts sociales cédées pouvait ne pas être considéré, comme agissant pour des besoins professionnels, quand bien même il était gérant d’une société commerciale.

Au terme de ce nouvel arrêt, qui reçoit les honneurs de la publication au bulletin, la Cour de cassation s’interroge dans un contexte légèrement distinct, sur la qualité de professionnel de l’associé cédant, lequel devient créancier après la cession de ses parts.

A l’origine de ce contentieux, un associé cède la quasi-totalité de ses actions à une société tierce, avec paiement du prix en 24 mensualités. Le dirigeant de la société cessionnaire se porte caution solidaire en garantie de paiement du prix …

En alléguant l’existence d’un dol, la société et son dirigeant ont assigné l’associé cédant en paiement de dommages et intérêts, lequel a, reconventionnellement, sollicité condamnation du dirigeant à lui payer, en sa qualité de caution solidaire, le solde du prix de cession des titres.

La problématique apparait dès lors que le dirigeant caution, poursuivi en exécution de son engagement,  soutient que celui-ci était disproportionné pour s’en décharger.

Les juges du fond considèrent que l’associé cédant, qui a bénéficié du cautionnement était un créancier professionnel, que, quand bien même celui-ci était au moment de la mise en cause de la caution, à le retraite, il était, à la date de souscription de l’engagement de caution,  associé et dirigeant de la société cédée. Le crédit vendeur garanti par le cautionnement faisait de lui un créancier professionnel….

Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation…. qui censure évidemment cette prise de position, qui s’avérait contraire à l’arrêt du 9 mars 2022 évoqué dans l’article chronos susmentionné.

Au visa de l’article L341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 Mars 2016, les juges de la Haute Cour rappellent que le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession, ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, quand bien même celle-ci n’est pas principale.

« 8. La cession par un associé des droits qu’il détient dans le capital d’une société ou le remboursement des avances qu’il a consenties à la société ne caractérisent pas en eux-mêmes l’exercice d’une activité professionnelle, même si le cédant a été le gérant de la société cédée.

9. Pour considérer que les dispositions de l’article L. 341-4 étaient applicables à l’engagement souscrit par M. [X], l’arrêt, après avoir relevé que M. [U] n’était pas retraité à l’époque où le cautionnement a été souscrit en sa faveur mais était associé et dirigeant de la société [U] Forage Horizontal, retient que M. [U], en cédant les parts sociales de sa société en consentant un crédit-vendeur garanti par le cautionnement de M. [X], doit être considéré comme un créancier professionnel.

10. En statuant ainsi, alors que la créance de M. [U] n’était pas née dans l’exercice de sa profession ni ne se trouvait en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même accessoire, de sorte que les règles du code de la consommation relatives à la disproportion manifeste ne lui étaient pas applicables, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Le fait d’avoir été propriétaire d’actions au capital d’une société, et de les céder, ou d’obtenir remboursement du compte courant, ne fait pas de l’associé un créancier professionnel, puisque ces éléments ne caractérisent pas en eux même l’exercice d’une activité professionnelle. Et ce, quand bien même l’associé cédant était également dirigeant de la société.

 Ne ratez plus l’actualité !

Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire, personnalisable en fonction des thèmes qui vous intéressent : Baux commerciaux, banque, sociétés, immobilier, ressources humaines, fiscalité… tout y est ! 

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article