SOURCE : 3ème civ, 21 février 2019, n°17-31101, FS – P + B + I
Selon l’article 1743 du Code civil, en cas de vente d’un immeuble donné à bail, seul le bail dont la date est certaine lie l’acquéreur, à moins selon le droit prétorien, que ce dernier n’ai eu connaissance de l’existence de la location au moment de la vente[1].
En toute hypothèse, l’acquéreur de l’immeuble ne sera lié que par le bail, à l’exclusion de toute convention, avenant, obligation, engagement de l’ancien propriétaire, etc., n’ayant pas acquis date certaine. Ainsi :
Le bailleur cédant reste seul redevable du remboursement des sommes conservées ou dues au preneur avant la cession, comme le dépôt de garantie[2] (sauf le cas des baux d’habitation selon l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989) ;
les arriérés de loyers au moment de la cession ne sont dus qu’au vendeur, sauf si les créances sont expressément cédées avec le bail[3] ;
les manquements du preneur antérieurs à la cession ne peuvent pas être invoqués par l’acquéreur, sauf s’ils se poursuivent après le transfert de propriété.
Le principe s’appliquait également aux manquements du bailleur antérieurs à la vente, la Cour de cassation considérant que le bailleur cédant demeure seul tenu des obligations de réparation et d’indemnisation qui lui incombaient avant la cession[4] : l’action du preneur au titre du manquement du bailleur à son obligation de délivrance ne pouvait être dirigée que contre le vendeur, tenu de procéder à tout travaux même après la vente.
Partageant sans doute la position de la Cour d’appel de Caen, qui avait décidé, par un arrêt du 7 février 2013[5] que l’obligation de délivrer un logement décent perdure dans le temps et oblige les bailleurs successifs, la Cour d’appel de POITIERS avait toutefois admis par ses décisions des 14 novembre 2017 et 13 février 2018, que l’acquéreur d’un immeuble pouvait être condamné solidairement avec le vendeur à réaliser des travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué.
Plus précisément en l’espèce, un bailleur est condamné en première instance à réaliser des travaux sur l’immeuble donné à bail.
Dans le cadre de la procédure d’appel, la propriété de l’immeuble est transférée à un adjudicataire à l’issue d’une vente aux enchères.
Le preneur à bail sollicite et obtient devant la Cour d’appel de Poitiers, la condamnation in solidum de l’adjudicataire, qui se pourvoi en cassation sur le fondement de l’article 1743 et de la jurisprudence y afférente précitée.
Le pourvoi est rejeté, la Cour de cassation, par cet arrêt promis à une large publication, estimant que
« depuis son acquisition, [l’adjudicataire] était tenu d’une obligation envers le locataire de réaliser les travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué [et] ne s’en était pas acquitté ».
La jurisprudence de la Cour de cassation évolue donc, sans pour autant constituer une rupture avec les dispositions de l’article 1743 du Code civil. L’acquéreur n’est en effet condamné qu’à la réalisation des travaux de délivrance à raison de son inertie depuis l’adjudication, mais ne sera pas tenu des troubles de jouissances causés au preneur avant le transfert de propriété.
[1] 3ème civ, 20 juillet 1989, n°88-13413 ; 3ème civ, 29 septembre 1999, n°97-22129 ; 3ème civ, 11 février 2004, n°02-12762.
[2] 3ème civ, 25 février 2004, n°02-16589
[3] 3ème civ, 2 octobre 2002, n°01-00696
[4] 3ème civ, 14 novembre 2007, n°06-18430
[5] CA CAEN, 7 février 2013, n°11/02276