Source : Cass. Civ. 3, 5 mars 2020, n° 19-11.574F-D
Que l’on soit dans le cadre d’un marché public ou privé, la décomposition du prix global forfaitaire (D.P.G.F.) est un document qui décompose les éléments du prix d’une prestation qui définit les quantités et éléments à chiffrer par des entreprises.
Ce document est par ailleurs établi par le Maître d’œuvre.
Dans le cadre de ce type de marché, le titulaire est tenu d’exécuter le marché au prix initial et ne peut solliciter du Maître d’ouvrage le versement d’un complément de prix même si les quantités mises en œuvre ne sont pas celles prévues initialement et figurant dans la D.P.G.F.
Quid de la responsabilité du maître d’œuvre dans ce cas de figure ?
Dans l’affaire reprise ci-avant, des marchés de travaux ont été conclus pour la réalisation d’une dalle destinée à couvrir de futures installations ferroviaires et à supporter des immeubles, ainsi qu’une voierie routière.
Une mission partielle de maîtrise d’œuvre de construction avait été confiée à un groupement solidaire.
Des difficultés étant intervenues en cours de chantier, une expertise judiciaire était ordonnée.
L’Expert judiciaire a conclu dans le cadre de son rapport que les quantités d’armatures prévues dans le dossier de consultation des entreprises et dans la décomposition du prix global et forfaitaire étaient insuffisantes.
C’est dans ces conditions que l’entreprise titulaire du marché a assigné le mandataire solidaire du groupement de maîtrise d’œuvre au paiement de la somme de 1.486.338,06 € HT en réparation de son préjudice né de l’augmentation des ratios d’armatures.
La Cour d’Appel a entendu faire droit à la demande de l’entreprise titulaire du lot, amenant le mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre à former un pourvoi en cassation.
Par arrêt en date du 5 mars 2020, la Cour de Cassation confirmait l’arrêt rendu par la Cour d’Appel rappelant les conclusions de l’Expert judiciaire et précisant que l’entreprise titulaire du lot n’avait pas été en mesure de déterminer ni de vérifier les quantités nécessaires au moment de l’appel d’offre compte-tenu de la complexité de l’ouvrage.
Or, il convient de préciser que dans le cadre de son pourvoi, le mandataire du groupement de maîtrise d’œuvre précisait que le caractère purement indicatif des quantités et estimations de la D.P.G.F. avait été expressément rappelé à l’entreprise dans le cadre des questions posées par le Maître d’œuvre lors de l’appel d’offre et qu’elle y avait répondu en précisant qu’une analyse approfondie du dossier avec le cahier des charges avait été effectuée par cette dernière.
La Cour de Cassation a malgré tout jugé qu’aucune faute de négligence n’avait été commise par l’entreprise titulaire du lot en ne relevant pas que les quantités d’armatures figurant à la D.P.G.F. étaient insuffisantes.
En outre, et reprenant les arguments de la Cour d’Appel, la Cour de Cassation fait état de l’erreur de conception commise par le Maître d’œuvre ne prévoyant pas une quantité d’armatures suffisante dans la D.P.G.F., constitutive d’un préjudice pour l’entreprise titulaire du marché à forfait signé entre elle et le Maître d’ouvrage.
Le Maître d’œuvre a donc été condamné à indemniser l’entreprise titulaire du lot et ce, bien que ce ne soit pas ce dernier qui bénéficie de l’ouvrage et des prestations réalisées par l’entreprise mais bien le Maître d’ouvrage.
Marion MABRIEZ