La recherche d’économie par le maître de l’ouvrage d’un marché public constitue un motif d’intérêt général susceptible de justifier la résiliation de ce marché.
Source : Cass. 3e civ., 11 mai 2022, n° 21-12.291, n° 385 FS-B
La résiliation d’un marché pour un motif d’intérêt général, dispositif propre au droit des marchés publics, peut être prononcée par le maître de l’ouvrage, même en l’absence de faute de l’entrepreneur (article L. 2195-3 du code de la commande publique).
Dans ce cas, le titulaire du marché a droit à une indemnisation de son préjudice (article L. 6, 5° du code de la commande publique ; article 49.1, al. 2 du CCAG travaux). A la suite du juge administratif (CE, 31 juill. 1996, n° 126594 ; CE, 23 avr. 2001, n° 186424 ; CAA Marseille, 6e ch., 14 juin 2010, n° 08MA01702).
Cette position a été confirmé par juge administratif (CE, 31 juill. 1996, n° 126594 ; CE, 23 avr. 2001, n° 186424 ; CAA Marseille, 6e ch., 14 juin 2010, n° 08MA01702).
Le juge judiciaire vient de suivre le même raisonnement (Cass. 3e civ., 11 mai 2022, n° 21-12.291, n° 385 FS-B).
En l’espèce, un maître de l’ouvrage, avait confié à un entrepreneur un marché de fourniture et de pose de pierres naturelles.
Le marché prévoyait un délai d’exécution de 40 mois, dont 23 pour réaliser la tranche ferme et 6 mois pour les 2 tranches conditionnelles.
En dépit d’un ordre de service ordonnant le démarrage des travaux de la tranche ferme, ceux-ci n’ont jamais été réalisés.
L’entreprise a dès lors dénoncé la caducité du marché et adressé son décompte final au maître de l’ouvrage.
En retour, le maître d’ouvrage a notifié à l’entreprise son intention de résilier le marché pour motif d’intérêt général.
Contestant cette résiliation, l’entrepreneur a, dans un premier temps, saisi le juge administratif qui s’était déclaré incompétent, puis a assigné le maître de l’ouvrage en paiement devant la juridiction judiciaire.
A l’appui de son action, l’entreprise a fait valoir que la résiliation était dépourvue de tout effet juridique, pour avoir été notifiée postérieurement à la date de caducité du marché de travaux, de sorte que le maître de l’ouvrage ne pouvait se prévaloir de la résiliation pour un motif d’intérêt général.
Les juges de 1ère instance ont donné raison à l’entreprise.
En appel, le juge a, au contraire, admis la validité de la résiliation, considérant que la volonté de recherche d’économie du maître de l’ouvrage était un motif d’intérêt général justifiant une telle résiliation.
Cette décision a fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
L’entreprise a fait valoir les griefs suivants :
- Le juge judiciaire ne pouvait appliquer la clause 46.4 du CCAG Travaux autorisant le maître de l’ouvrage à résilier le marché « pour motif d’intérêt général », cette stipulation, exorbitante du droit commun, étant, par nature, étrangère à celles des lois civiles ou commerciales.
- La cour s’est déterminée par des motifs impropres à caractériser le motif d’intérêt général exigé par le CCAG.
Le pourvoi est rejeté.
Le premier grief a été écarté comme irrecevable, l’entrepreneur ne l’ayant pas soulevé dans ses conclusions d’appel. Néanmoins, la Cour laisse entendre que cet argument pouvait valablement être retenu, le caractère non écrit de la clause pouvant être soulevé.
Quant à la contestation de l’existence d’un motif légitime justifiant la résiliation du marché, elle a été rejetée comme dépourvue de fondement.
En l’espèce, la cour d’appel avait constaté que le maître de l’ouvrage justifiait, au soutien de la résiliation du marché pour un motif d’intérêt général, de sa volonté de recherche d’économies qui l’avait conduit à substituer aux pavés de pierre naturelle, prévus dans le marché, un revêtement béton.
Selon la troisième chambre civile, elle a apprécié souverainement cet intérêt, et a pu retenir que l’entreprise était mal fondée à contester l’existence d’un motif légitime.