Installation numérique : élément d’équipement soumis à la garantie de bon fonctionnement

Amandine Roglin
Amandine Roglin

La garantie biennale de bon fonctionnement s’applique aux éléments d’équipements dissociables qui ne sont pas inertes. Est-ce le cas d’une installation numérique ? La Cour de cassation répond par l’affirmative.

Cass. 3e civ., 14 décembre 2022, n° 21-19377

I –

Une Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a souhaité regrouper l’ensemble de ses services en un siège unique, à construire.

A cette fin, une SCI a cédé un immeuble en l’état futur d’achèvement à un crédit-bailleur lequel a consenti un crédit-bail à la CPAM.

Les travaux ont été réalisés sous la maîtrise d’ouvrage de la SCI et ont été réceptionnés.

Se plaignant de désordres affectant le câblage du réseau informatique, ne permettant pas à celui-ci d’atteindre le débit contractuellement garanti, et de dysfonctionnements des prises numériques, le crédit-bailleur et la CPAM ont, après expertise, assigné la SCI en réparation.

Cette dernière a appelé les constructeurs et leurs assureurs en garantie.

II –

En cause d’appel, la SCI est condamnée au motif que les désordres relèvent de la garantie de bon fonctionnement.

La Cour énonce : « le câblage informatique est bien un élément qui n’est pas inerte car comme le développe M. [O] il a pour vocation le transport de signaux électriques d’un équipement électronique à un autre, ce transport devant se faire en dégradant au minimum le signal. Il a donc bien une fonction active. Il en est de même des prises qui permettent aux équipements de les mettre en fonctionnement ».

La SCI forme un pourvoi en cassation.

III –

La SCI fait grief à l’arrêt d’entrer en voie de condamnation à son encontre alors que les désordres allégués ne concerneraient que 5% du nombre total des prises mises en œuvre dans l’immeuble alors que « les désordres ne compromettant pas la solidité de l’ouvrage ni ne le rendant impropre à sa destination, affectant un élément dissociable de l’immeuble, non destiné à fonctionner, relèvent de la responsabilité contractuelle de droit commun et non de la garantie de bon fonctionnement ; que le câblage électrique et les prises de courant sont des équipements par essence inertes qui, intrinsèquement, ne fonctionnent pas en sorte qu’ils ne relèvent pas de la garantie de bon fonctionnement, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun ».

IV –

La Cour de cassation rejette le pourvoi en reprenant mot pour mot la motivation de l’arrêt rendu par la Cour d’appel :

« Ayant relevé que le câblage informatique avait pour vocation le transport de signaux électriques d’un équipement électronique à un autre, en dégradant au minimum le signal, et que les prises numériques qui y étaient associées avait pour but de mettre en fonctionnement les équipements ainsi reliés, la cour d’appel en a exactement déduit que l’installation numérique, qui n’était pas inerte, relevait de la garantie biennale de bon fonctionnement ».

IV –

Cet arrêt s’inscrit dans une jurisprudence constante, laquelle a tendance à se préciser au fil du temps.

Nous savions en effet qu’étaient couverts par la garantie de bon fonctionnement, les éléments d’équipement dissociables destinés à fonctionner, ce qui induisait probablement, un fonctionnement mécanique comme les portes et les fenêtres, bien que la Cour ne se soit pas encore définitivement positionnée sur la définition à donner à « un élément d’équipement destiné à fonctionner ».

Dans le cadre de cet arrêt, la Cour va plus loin en donnant sa position sur ce qu’il convient de considérer comme « inerte » : la garantie de bon fonctionnement s’applique aux éléments d’équipement qui ne sont pas inertes.

Or, n’est pas inerte l’installation numérique qui a un fonctionnement intrinsèque qui relève, en cas de défaut, de la garantie de bon fonctionnement entraînant une responsabilité présumée du constructeur, sans qu’il soit nécessaire de prouver une faute de sa part.

Les constructeurs ont également invoqué, en vain, l’application de l’article 1792-7 du Code civil, qui exclut le jeu de la garantie biennale pour les éléments d’équipement dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage. La cour d’appel, approuvée par la Haute juridiction, a en effet retenu que « le réseau informatique répondait aux besoins de la fonctionnalité numérique de l’ouvrage nécessaire à tout bâtiment abritant une entreprise, ayant ainsi fait ressortir qu’il n’était pas spécifique à l’activité professionnelle exercée dans celui-ci ».

La Cour poursuit ainsi son mouvement visant à élargir la sphère des éléments d’équipement entrant dans le périmètre de la garantie de bon fonctionnement.

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