Source : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 20 octobre 2021, 20-20.428, Publié au bulletin
La réception, qu’elle soit expresse ou tacite, doit être contradictoire[1].
C’est ainsi qu’à l’occasion des opérations de réception des travaux, l’entrepreneur doit, au minima, avoir été dûment convoqué, précision étant faite que cette convocation peut être adressée par fax, pourvu que la date de réception soit certaine[2].
A défaut, la réception n’est pas contradictoire et ne peut être opposée au constructeur[3].
I.
En l’espèce, par suite de travaux de rénovation d’un chalet, le maître d’ouvrage avait régularisé un procès-verbal de réception avec le maître d’œuvre. L’entrepreneur n’avait pas été convoqué aux opérations de réception.
Des désordres étaient apparus postérieurement de telle sorte que le maître d’ouvrage a notamment assigné l’architecte et son assureur en indemnisation.
L’architecte a quant à lui mis en cause l’assureur de l’entreprise qui avait réalisé les travaux laquelle avait été placée en liquidation judiciaire entre temps.
Pour contourner la difficulté liée au défaut de convocation de l’entrepreneur et ainsi obtenir la garantie de son assureur, l’architecte entendait se prévaloir de la présomption de réception tacite[4] et de la réception judiciaire à titre subsidiaire.
II.
Les juges n’ont cependant pas suivi ce raisonnement considérant que la réception tacite suppose l’absence de toute matérialisation par un acte de réception.
Or, en l’espèce, un procès-verbal de réception avait été rédigé, ce qui ne laissait plus de place au doute quant à la volonté non équivoque du maître d’ouvrage de réceptionner.
La réception tacite ne saurait être constatée pour pallier la carence des parties dans la convocation du constructeur.
En jugeant ainsi, la Cour de cassation précise la place de la réception tacite, laquelle ne saurait être considérée comme une solution de secours pour pallier le défaut de convocation de l’entreprise dans le cadre d’une réception expresse.
III.
Quant à la réception judiciaire, invoquée subsidiairement, il était reproché à la Cour d’Appel de ne pas avoir statué sur ce point.
La Cour de cassation rappelle que la Cour d’appel n’est pas tenue de statuer sur des conclusions inopérantes.
Elle ajoute qu’en l’espèce, et en tout état de cause, la réception judiciaire ne pouvait pas être ordonnée à partir du moment où le liquidateur du constructeur n’avait pas été appelé dans la cause, rendant ainsi impossible toute réception contradictoire.
IV.
La réception est une étape cruciale à ne surtout pas négliger car c’est l’existence de la réception qui conditionne la mise en œuvre des garanties légales (garantie de parfait achèvement, garantie biennale, garantie décennale) et les pièges sont nombreux.
Si la réception peut être expresse, tacite ou judiciaire, elle doit en toute hypothèse être contradictoire, et l’entrepreneur dûment convoqué aux opérations de réception.
[1] Article 1792-6 du Code civil
[2] Cass. 3e civ., 7 mars 2019, n° 18-12.221, n° 180 FS-P + B + I
[3] Cass. 3e civ., 4 juin 1996, n° 94-10.652
[4] Cass. 3e civ., 23 mai 2012, n° 11-10.502, n° 613 FS-P + B
Amandine ROGLIN
Avocat au Barreau de Lille