La prorogation de 2 mois du délai de recours pour les contribuables non-résidents s’applique même en cas d’élection de domicile en France

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

Revirement de jurisprudence de la Cour de Cassation

Source :CCass, com, 1/06/2023 n°21-18694, publié au Bulletin

En matière de procédure, il est prévu des délais dits de distance bénéficiant aux justiciables demeurant en outre-mer ou à l’étranger lorsqu’ils sont parties à une procédure devant une juridiction française métropolitaine.

Devant les juridictions judiciaires, l’article 643 du code de procédure civile prévoit une prorogation de délai d’un mois pour les personnes demeurant en outre-mer et de deux mois pour celles demeurant à l’étranger.

L’article 647 du même code prévoit néanmoins que « Lorsqu’un acte destiné à une partie domiciliée en un lieu où elle bénéficierait d’une prorogation de délai est notifié à sa personne en un lieu où ceux qui y demeurent n’en bénéficieraient point, cette notification n’emporte que les délais accordés à ces derniers ».

En l’espèce une société dont le siège se situe en Allemagne estimait pouvoir bénéficier de la prorogation de deux mois pour saisir le tribunal judiciaire du rejet de sa réclamation ce qui lui était refusé par les juridictions du fond au motif qu’elle avait élu domicile en France.

La Cour de Cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel en jugeant que «  Il résulte de la combinaison des articles 643 et 645 du code de procédure civile que, lorsqu’une demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de deux mois pour les personnes qui demeurent à l’étranger dans tous les cas où il n’est pas expressément dérogé à cette règle ».

La dérogation qui était invoquée en l’espèce est qu’en matière fiscale, pour introduire une réclamation auprès de l’administration fiscale, le contribuable non-résident doit élire domicile en France. L’administration fiscale notifie donc au contribuable les décisions le concernant, comme le rejet d’une réclamation, au domicile élu et non au domicile ou siège à l’étranger.

Jusqu’à cette affaire, la Cour de Cassation estimait de ce fait que la prorogation du délai ne pouvait s’appliquer du fait de cette domiciliation en vertu de l’article 647 du code de procédure civile.

Elle procède à un revirement de jurisprudence en jugeant que « le délai d’assignation de deux mois à compter de la notification de la décision de rejet d’une réclamation contentieuse est, en application des dispositions de l’article 643 du code de procédure civile, prorogé de deux mois si le contribuable est domicilié hors de France, bien qu’il ait, conformément aux dispositions de l’article R* 197-5 du livre des procédures fiscales, l’obligation de faire élection de domicile en France ».

Pour opérer ce changement de position, la Cour de Cassation relève que « la notification à un domicile élu en France d’un acte destiné à une personne domiciliée à l’étranger ne fait pas obstacle à la prorogation du délai de l’article 643 du code de procédure civile dès lors que, faute de constituer une notification à sa personne, les dispositions de l’article 647 du même code ne sont pas applicables ».

Elle précise en outre que « l’article R* 197-5 du livre des procédures fiscales ni aucune autre disposition ne déroge expressément à l’application de l’article 643 du code de procédure civile lorsqu’est à la charge d’un contribuable domicilié à l’étranger l’obligation d’élire domicile en France. En outre, la notification au domicile élu en France par un tel contribuable ne constitue pas une notification à sa personne, de sorte que l’article 647 du même code n’est pas applicable ».

Devant les juridictions administratives, la prorogation de délai est prévue par l’article R421-7 du code justice administrative et la question relative à la domiciliation en France a été tranchée dans les années 80 en faveur de l’application de la prorogation au contribuable non résident de sorte que les jurisprudences administratives et judiciaires sont alignées.

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