Le préjudice résultant de la résiliation anticipée d’un contrat, lorsque celle-ci emporte la disparition d’une éventualité favorable à laquelle était subordonnée la perception par le co-contractant d’un honoraire de résultat, s’analyse en une perte de chance, qui, mesurée à la chance perdue, ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Viole, dès lors, l’article 1147, devenu 1231-1, du code civil et le principe de réparation intégrale, la cour d’appel qui retient que le préjudice subi par le prestataire de services dont le contrat a été résilié fautivement est équivalent à la rémunération qu’il aurait obtenue si la convention était allée à son terme, alors que cette rémunération dépendait d’une éventualité favorable, incertaine à la date de la résiliation, sinon quant au principe du moins quant au quantum de l’honoraire de résultat, de sorte que le préjudice s’analysait en une perte d’une chance.
Cour de cassation, 11 septembre 2025, n° 23-21.882
I –
Une SCI, propriétaire d’un ensemble commercial exploité par une société, a entrepris une opération d’extension de la surface de vente pout laquelle elle a souscrit une police d’assurance dommages-ouvrage.
Se prévalant de désordres de construction, la SCI et la société exploitante ont après expertise assigné les constructeurs.
La SCI et l’exploitant ont conclu avec une société une convention de gestion de ce sinistre que la SCI a résiliée unilatéralement par anticipation.
Cette société a alors assigné la SCI et l’exploitant aux fins notamment de voir constater la résiliation abusive de la convention de gestion de sinistre et obtenir réparation de son préjudice.
II –
La Cour d’appel a condamné la SCI et la société exploitante à payer à la société une indemnité égale à la rémunération qu’elle aurait obtenue si la convention était allée à son terme.
L’arrêt relève que les honoraires de la société devaient être établis sur la base de 50 % des sommes versées par les assureurs et les constructeurs au titre de la réparation intégrale des désordres matériels et immatériels relevant de leurs garanties et responsabilités, excédant le coût des travaux nécessaires à rendre l’ouvrage conforme à sa destination et les frais visés à l’article 4.
La Cour d’appel retient qu’il est incontestable que celle-ci aurait perçu une rémunération si la convention de gestion avait été poursuivie jusqu’à son terme et qu’il n’existait aucune incertitude ni aléa sur le fait que les deux sociétés obtiendraient des indemnités de l’assureur dommages-ouvrage puisque ni la réalité des désordres ni leur caractère décennal n’étaient contestés.
La SCI et la société exploitante ont formé un pourvoi en cassation.
III –
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.
La Haute juridiction rappelle en premier lieu qu’il résulte de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et du principe de la réparation intégrale du préjudice, que les dommages-intérêts dus au créancier sont de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé sans qu’il en résulte pour lui ni perte ni profit.
Elle ajoute que le préjudice résultant de la résiliation anticipée d’un contrat, lorsque celle-ci emporte la disparition d’une éventualité favorable à laquelle était subordonnée la perception par le co-contractant d’un honoraire de résultat, s’analyse en une perte de chance, qui, mesurée à la chance perdue, ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
La Cour de cassation censure donc la cour d’appel qui a violé le texte et le principe susvisés dès lors que les honoraires à percevoir par la société dépendaient d’une éventualité favorable, incertaine à la date de la résiliation, sinon quant au principe du moins quant au quantum de l’honoraire de résultat, de sorte que le préjudice né de la rupture fautive de la convention par la SCI s’analysait en une perte d’une chance.
IV –
L’arrêt rappelle que le préjudice résultant de la résiliation anticipée d’un contrat, lorsqu’il entraîne la disparition d’une éventualité favorable conditionnant la perception d’un honoraire de résultat, doit s’analyser comme une perte de chance.
Autrement dit, la perte d’un honoraire de résultat liée à une résiliation fautive doit être considérée comme une perte de chance, et non comme un préjudice certain, ce qui oblige le juge à en apprécier la probabilité afin de déterminer le montant des dommages-intérêts en conséquence.