SOURCE : CA NANCY – 2ème ch. civ. 3 sept. 2015, n°14/02124.
La réalisation de travaux allant plus loin que la simple mise aux normes du logement ne dispense pas le bailleur d’indemniser son locataire pour le trouble de jouissance qu’il lui a fait subir en lui louant un logement indécent.
Selon bail verbal du 9 mars 2000, l’Association D. a donné en location à Mme H. un local d’habitation.
Par acte d’huissier du 26 avril 2012, Mme H. a assigné l’Association devant le tribunal d’instance de Nancy aux fins d’obtenir des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance et l’exécution de travaux dans le logement.
Le bailleur s’est opposé à la demande de dommages et intérêts mais a proposé de réaliser des travaux (création d’une salle de bains, réfection de la cuisine et des WC, reprise de l’électricité et des sols et murs après travaux).
Par jugement avant dire droit du 31 mai 2013, le tribunal a ordonné la réalisation de travaux par le bailleur.
A l’audience de renvoi, la preneur a sollicité 5.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance.
Le bailleur s’est opposé à la demande de dommages et intérêts, estimant que le préjudice subi avait été entièrement réparé par équivalent en nature par les travaux réalisés au-delà des demandes de la locataire.
Par jugement du 3 juin 2014, le tribunal d’instance a débouté la locataire de sa demande indemnitaire considérant que les travaux exigés par celle ci avaient tous été réalisés et que si elle a subi un préjudice de jouissance en raison du caractère tardif des travaux, son préjudice passé a été indemnisé par l’amélioration de son logement au-delà du seuil minimal de décence et pour des éléments qui relevaient en partie de l’obligation d’entretien du locataire.
En cause d’appel, le preneur expose que selon l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent et qu’il s’agit d’une obligation d’ordre public. Elle considère que le caractère de non décence n’est pas contesté puisque le bailleur a accepté de faire les travaux demandés et qu’il doit être fait droit à sa demande de dommages et intérêts puisqu’elle a été privée d’un logement décent pendant 13 années. Elle ajoute que les travaux n’ont été entrepris qu’après l’assignation et que le bailleur a augmenté le loyer en raison de l’amélioration apportée au logement.
La Cour d’appel infirme le jugement considérant :
« Attendu qu’en application de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé ;
Qu’il est constant que le logement occupé par Mme H. depuis mars 2000 ne comportait pas de salle de bains, que les WC étaient dans une courette avec un accès extérieur non couvert et que le chauffage n’était pas conforme aux exigences de la loi ; qu’il n’est pas contesté que l’ensemble des travaux nécessaires à la remise aux normes de décence du logement a été réalisé par le bailleur en cours de procédure ; que si l’association a effectué d’autres travaux de confort non exigés par la loi (création d’une cuisine, réfection des sols, murs et plafonds), il ne peut être considéré que l’amélioration du confort réalisée en 2013 par le bailleur a indemnisé le préjudice passé subi par la locataire pour le défaut de décence du logement ».
Il sera noté que si la Cour fait droit à la demande d’indemnisation du preneur de façon à pouvoir affirmer, expressément, que l’indemnisation du préjudice de jouissance subi ne peut être réparé par équivalent en nature par les travaux réalisés au-delà des demandes de la locataire, celle-ci n’accorde toutefois qu’une somme de 300 € de dommages et intérêt pour préjudice de jouissance.
Delphine VISSOL
Vivaldi-Avocats