Source : Cass. com. 9 mai 2018, n° 17-14.568, FS-P+B
I – L’espèce
Une personne physique se rend caution d’un prêt bancaire consenti à une société, en 1991. Cette société est mise en liquidation judiciaire en 1997, et la banque déclare sa créance. Après la clôture de la procédure collective en 2007, la caution saisit un tribunal en 2008 pour voir déclarées prescrites ses obligations nées de l’acte de cautionnement. Cette demande est rejetée par une cour d’appel en 2010. Cinq ans plus tard, la banque fait délivrer à la caution un commandement de payer une certaine somme au titre du prêt, mais la caution lui oppose la prescription de l’action, argument favorablement accueilli par les juges du fond.
II – L’arrêt de rejet
La banque saisit la Cour de cassation de l question pour affirmer que l’action par laquelle la caution a pris l’initiative de prétendre que son obligation s’était éteinte, sans attendre qu’elle-même prouve l’existence de son droit, a induit reconnaissance de la dette, ce qui a valu interruption de la prescription de sa demande en paiement en application de l’article 2240 du Code civil dans sa rédaction applicable à la cause, et partant son commandement était valide.
La Cour de cassation rejette cet argument : l’action tendant à voir déclarer un droit prescrit ne constitue pas, par elle-même, la reconnaissance non équivoque de ce droit par le demandeur à cette action. L’action en paiement de la banque était bien prescrite.
III – Un critère à retenir : le caractère non équivoque de la reconnaissance de dette
L’ancien article 2240 du Code civil prévoit en effet que « la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription ». Cette reconnaissance ne doit pas cependant être équivoque.
La Cour de cassation a ainsi déjà précisé que n’entrent pas dans cette catégorie :
Des pourparlers engagés par les parties au litige en vue d’une solution amiable[1] ;
L’offre d’une transaction[2] ;
A l’inverse, interrompt le délai de prescription :
Une demande de remise de dette[3] ;
Une demande de remise de majoration de retard[4] ;
Une demande de compensation, dès lors qu’elle est formée avant l’expiration du délai de prescription[5] ;
L’article 2241 du Code civil prévoit que la demande en justice interrompt la prescription, mais seule possède cet effet la demande émanant du créancier et adressée au débiteur. La prescription n’est donc pas interrompue par l’assignation signifiée par la partie qui se prévaut de la prescription (le débiteur) à celui contre lequel elle prétend avoir prescrit[6].
Thomas LAILLER
Vivaldi-Avocats
[1] Cass. civ 1ère, 5 févr. 2014, n° 13-10.791
[2] Cass. civ. 2ème, 18 octobre 2017, n° 16-22.678
[3] Cass. civ. 2ème, 15 juin 2004, n° 03-30.052
[4] Cass. ass. plén. 27 juin 1969, n° 67-11.376
[5] Cass. civ. 1ère, 22 octobre 2002, n° 00-20.648
[6] Cass. com. 27 juin 1979, n° 78-11.303