La caractérisation de la garantie disproportionnée doit au préalable voir l’octroi fautif du crédit qualifié.
Source : Cass.Com. 29 juin 2022, n° 21-10715, n°430 F-D
Une banque consent un crédit à une société pour l’acquisition de parts sociales. En garantie, la banque obtient le cautionnement du dirigeant de la société emprunteuse, mais également le nantissement de parts acquises.
Une procédure de redressement judiciaire sera ouverte à l’encontre de la société emprunteuse imposant à la banque de déclarer sa créance.
Une contestation sera élevée, la société lui reprochant un manquement à son obligation de mise en garde.
La procédure sera convertie en liquidation judiciaire tandis que le juge commissaire sursoira à statuer sur la fixation de la créance de la banque dans l’attente de la décision du Tribunal de commerce au fond.
Ce dernier estimera que le cautionnement et le nantissement étaient excessifs et disproportionnés par rapport au montant emprunté. Le Tribunal a alors annulé les garanties et fixé le montant de la créance de la banque.
La banque a alors interjeté appel, mais cette dernière confirmera le jugement.
La Cour de cassation censurera les juges du fond.
On rappellera avant toute chose les termes de l’article L650-1 du Code de commerce :
Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.
Pour le cas où la responsabilité d’un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.
A l’appui de ce texte, la Cour de cassation cassera l’arrêt critiqué en précisant :
19. Pour confirmer le jugement qui annulait le cautionnement consenti par M. [Y] et le nantissement des parts sociales de la société Brem, l’arrêt, après avoir exactement rappelé les dispositions précitées et le fait que leur application suppose aussi que le crédit soit en lui-même fautif, se borne à analyser la valeur des garanties ainsi consenties pour en tirer la conséquence qu’elles sont disproportionnées au regard du montant du prêt consenti.
20. En se déterminant ainsi, alors qu’il lui incombait de rechercher et de qualifier la faute commise par la banque à l’occasion de l’octroi du financement consenti à la société avant de confirmer le jugement, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Ainsi, le juge doit motiver sa décision non pas en analysant la valeur des garanties consenties pour établir la disproportion au regard du prêt consenti, mais doit motiver sa décision par des éléments propres à établir le caractère fautif du prêt déjà défini comme « tenant à la pratique d’une politique de crédit ruineux pour l’entreprise financée de nature à provoquer une croissance continue et insurmontable de ses charges financières, eu égard à ses perspectives de rentabilité et à ses capacités de remboursement, ou tenant à l’apport d’un soutien artificiel à une entreprise dont la banque connaissait ou aurait dû connaître, si elle s’était correctement informée, la situation irrémédiablement compromise »[1]
[1] Cass.Com., 22 mars 2017, n° 21-10715