E-commerce : un commerçant peut-il appliquer des promotions sans autorisation de la marque qu’il distribue ?

Victoria GODEFROOD BERRA
Victoria GODEFROOD BERRA

Source : Tribunal de commerce de Lille, 24 septembre 2019, Univers Sell / FPPM International

 

I – LES FAITS

 

La société UNIVERS SELL est spécialisée dans la vente à distance de tous types de produits. Plus précisément, UNIVERS SELL exploite le site e-commerce http://www.mesbagages.com/ , leader sur le marché de la bagagerie en ligne proposant aux internaute un important catalogue de bagages.

 

De son côté, la société FPPM INTERNATIONAL (ci-après « FPPM ») conçoit et commercialise des articles de bagagerie et de maroquinerie notamment sous la marque « PAUL MARIUS ».

 

En 2015, FPPM a confié à la société UNIVERS SELL la distribution des produits PAUL MARIUS via son site. Les parties ont convenu que les produits précités pourraient être également distribués via des pointes de vente en briques (boutiques physiques).

 

En novembre 2015, ces deux sociétés échangent des courriels relatifs aux offres promotionnelles mises en place par UNIVERS SELL sur son site internet.

 

Ces promotions vont être sources de tension puis de rupture de la relation entre les parties à l’initiative de FPPM dont les mises en demeure adressées à UNIVERS SELL afin que cette dernière cesse « les pratiques commerciales illicites » en ce qu’elle proposait des promotions permanentes avec une réduction de 10 % sur tous les produits. En l’absence d’un contrat, FPPM a ainsi considéré que UNIVERS SELL a utilisé sa marque sans son autorisation.

 

L’affaire est portée en justice.

 

II – LA POSITION DES JUGES CONSULAIRES

 

II – 1. Sur l’existence d’une relation commerciale

 

Sans surprise, les juges consulaires estiment que même l’absence de contrat formalisant la distribution des produits PAUL MARIUS sur le site e-commerce d’UNIVERS SELL, une relation commerciale depuis 2015 existait bien entre les parties matérialisée par et constatée par le chiffre d’affaires réalisé.

 

II – 2. Sur le comportement fautif du site e-commerce

 

Le tribunal juge que la pratique de remises est largement répandue dans le secteur de la vente en ligne d’articles de bagages/maroquinerie. En effet, « les informations se rapportant à la promotion proposée de 10 % sont suffisamment claires et complètes pour ne pas tromper le consommateur, qu’il n’existe pas de contrat sur les offres promotionnelles entre les deux sociétés, que la pratique de remises est largement répandue dans le secteur de la vente en ligne d’articles de bagages/maroquinerie, que la société FPPM était parfaitement informée des pratiques commerciales de la société Univers Sell depuis novembre 2015. ».

 

En conséquent, aucun élément ne permet de caractériser une pratique commerciale trompeuse de UNIVERS SELL au sens du Code de la Consommation autorisant FPPM à qualifier le comportement de cette dernière de fautif.

 

II – 3. Sur l’utilisation sans autorisation de la marque

 

Selon le tribunal, UNIVERS SELL pouvait utiliser, pour les besoins de commercialisation, la marque PAUL MARIUS sans l’autorisation de FPPM dès lors que cette dernière lui avait confié la distribution en ligne de ses produits.

 

Il ressort de ce constat que (i) les actes prétendument litigieux ne sont pas constitutifs de contrefaçon et que (ii) le site e-commerce n’a pas manqué à son obligation contractuelle de loyauté à l’égard de son partenaire.

 

En conclusion, en ayant interrompu du jour au lendemain et sans préavis, la relation commerciale avec son cocontractant, FPPM a violé les dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce (devenu L. 442-1, II du même code).

 

*****

 

Condamnation : au regard de l’ensemble de ces éléments et notamment de l’ancienneté de deux ans de la relation, FPPM est condamné à verser 9 000 € d’indemnité à UNIVERS SELL « au titre de la perte de marge brute subie par [cette dernière] ».

 

En résumé, un fabriquant pouvait non seulement pas (i) interdire à un site e-commerce qui distribue ses produits de pratiquer des offres promotionnelles et de citer sa marque, mais aussi (ii) mettre brutalement fin et sans préavis à la relation commerciale établie par son distributeur sauf à violer les dispositions de l’article L.442-6 I 5° (devenu L. 442-1, II) du Code de commerce.

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