Des restrictions de déplacement peuvent être imposées à des représentants du personnel ayant commis des comportements abusifs lors d’un mouvement de grève.

Thomas T’JAMPENS
Thomas T’JAMPENS

SOURCE : Arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 10 février 2021, n°19-14.021, FS-PI 

 

La liberté de déplacement des représentants du personnel, qu’ils soient élus ou désignés est un principe d’ordre public, elle est considérée comme essentielle à l’existence d’une véritable présence syndicale dans l’entreprise.

 

Toutefois, il résulte des dispositions des articles L. 2143-20 et L 2315-14 du Code du travail, qu’il peut être apporté des restrictions au regards notamment d’impératifs :

 

  De santé ;

 

  D’hygiène ;

 

  De sécurité ;

 

  Ou de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés.

 

La jurisprudence caractérise la gêne importante comme un abus dans l’exercice de la liberté de déplacement.

 

C’est le cas dans l’arrêt commenté, puisqu’à l’occasion d’un mouvement de grève dans un palace parisien, les salariés et leurs représentants se sont déplacés au sein de l’établissement munis de sifflets et de mégaphones, ont interpellé et intimidé les salariés non-grévistes, puis sont entrés en force dans une chambre occupée.

 

Consécutivement à ces comportements, l’employeur a adopté des mesures visant à préserver le personnel non-gréviste de l’hôtel ainsi que la clientèle, interdisant dans un premier temps l’accès à l’hôtel aux salariés grévistes, puis le conditionnant :

 

  à l’absence de sifflets, de mégaphones et de chasubles ;

 

  au contact à distance par un membre de la direction ou de la sécurité ;

 

  à une autorisation pour entrer dans les chambres

 

Considérant ses restrictions comme portant atteinte à la liberté de déplacement inhérente à leur mandat, plusieurs syndicats et salariés ont en référé le Président du Tribunal Judiciaire au regard de l’entrave au droit de grève causée par ces mesures.

 

Fort du principe de la liberté de déplacement précité, les syndicats considéraient que les restrictions imposées par l’employeur en tant de grève portaient atteinte à la liberté syndicale garantie par l’alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946, l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et les articles 12 et 28 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

 

Ils reprochent notamment à la cour d’appel d’avoir considéré que l’occupation des lieux de restauration de l’hôtel était constitutive d’un trouble manifestement illicite aux motifs qu’elle emportait une atteinte évidente à l’image de l’hôtel à l’égard de la clientèle.

 

La Cour de cassation approuve en partie l’arrêt de la cour d’appel, rappelant tout d’abord que, la liberté de circulation des représentants du personnel et des représentants syndicaux au sein de l’entreprise est un principe d’ordre public qui s’exerce de la même façon en cas de mouvement de grève.

 

Ensuite, elle considère que sans remettre en cause le droit des salariés de s’exprimer par une action revendicative, pouvant s’exercer sous la forme d’une cessation collective et concertée du travail, l’employeur peut imposer restrictions d’accès à l’entreprise, sous réserve que celles-ci soient justifiées et proportionnées aux abus constatés.

 

Il résultat des constatations opérées par la cour d’appel, notamment par des actes d’huissier que les agissements des salariés et de leurs représentants durant le mouvement de grève étaient effectivement abusifs et constitutifs d’un trouble manifestement illicite.

 

Enfin, la Cour de cassation censure la cour d’appel en ce qu’elle avait autorisé le concours de la force publique pour faire respecter l’interdiction, aux salariés grévistes et à toute personne agissant de concert avec eux, d’utiliser des instruments sonores sur la voie publique en-deçà d’un périmètre de 200 mètres autour de l’hôtel.

 

Or, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs, le juge judiciaire n’a pas compétence pour faire respecter l’ordre sur la voie publique et prévoir, dans ce cadre, des mesures d’interdiction ou le recours à la force publique.

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